Verset(s) de la Bible Rm 5,12-21

En Jésus Christ, tous ont accès au salut (Rm 5,11) !

Pour Paul, c’est la Croix et la grâce du salut en Jésus qui révèlent la profondeur de la rupture entre Dieu et l’homme. Si en lui un tel pardon est donné gratuitement à tous, c’est qu’un péché fondamental a régné dans le monde. (Entrer dans la Bible, page 365)

La conscience du péché comme rupture d’Alliance avec le Dieu d’amour commence avec la foi biblique. Cette conscience s’approfondira à travers l’épreuve de l’exil et provoquera une réflexion fondamentale sur l’origine du mal dans le judaïsme à l’époque de Jésus, où des théologies diverses se côtoient et s’affrontent.  Paul est juif et héritier de toute cette réflexion. Sa rencontre du Christ va bouleverser sa vision  du salut et donc sa vision du péché et du  mal.

Pour entrer dans la pensée de Paul sur le mystère du péché, de l’obscurcissement de l’Alliance, la prise en considération de cette  longue histoire est fondamentale. 


Voir le tableau ci-dessous pour les Commentaires.
  

En Jésus nouvel Adam

(5,12)  C'est pourquoi, comme par un seul homme le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort, et qu'ainsi la mort s'est étendue sur tous les hommes, parce que tous ont péché... 
(5,14)   Cependant la mort a régné depuis Adam jusqu'à Moïse, même sur ceux qui n'avaient pas péché par une transgression semblable à celle d'Adam, lequel est la figure de celui qui devait venir.  
(5,15)  Mais il n'en est pas du don gratuit comme de l'offense ; car, si par l'offense d'un seul il en est beaucoup qui sont morts, à plus forte raison la grâce de Dieu et le don de la grâce venant d'un seul homme, Jésus-Christ, ont-ils été abondamment répandus sur beaucoup...
Bible de Jérusalem (Ed. 1975)
 
Pour voir le texte biblique complet de Rm 5,12-21

Voir aussi (Les fondements bibliques, pages 501, 504-505)
Ce tableau permet de situer la genèse d'un texte biblique (Mémoire, Écriture, Relecture) dans un contexte
de religions environnantes, seuil par seuil, dans des expressions de foi situées.
Religions environnantesSeuilExpressions de la FoiGenèse du texte
 
  La religion mésopotamienne 1 Les dieux du ciel - Aux origines    
  La religion égyptienne Patriarches - Le semi-nomadisme    
  La religion d'Ugarit Assimilation/rejet - Immigration MEMOIRE 1  
 Début de l'écriture biblique
    - VIIIe siècle Le Baal syro-phénicien 2 Luttes contre Baal - Royaumes unifiés    
    - VIIe siècle Le Marduk assyrien Trahison du frère - Chute de Samarie    
L'Alliance - Le Temple de Josias MEMOIRE 2  
    - VIe siècle Le Marduk babylonien Hénothéisme - L'Exil    
    - Ve siècle
- IVe siècle
Mazdéïsme perse Monothéismes d'Alliance    
Prêtres et Légistes - Second Temple MEMOIRE 3  
Courant apocalyptique    
    - IIIe siècle L'Hellénisme égyptien Hellénisation - Alexandre MEMOIRE 4  
    - IIe siècle L'Hellénisme syrien Persécutions - Antiochus IV    
    L'Hellénisme syrien Séparation des Asmonéens - Esséniens    
    - Ier siècle Rome La foi dans un Judaïsme éclaté MEMOIRE 5  
 
    de 0 à 33 Judaïsme officiel et apocalyptique sous domination romaine 3 Jésus, irruption d'un nouveau monde    
Jésus et le Temple    
Jésus et la Torah    
Jésus et la Pâque    
 Premiers écrits du Nouveau Testament
    de 33 à 70 Judaïsme officiel 4 A Jérusalem    
Missions Judéo-chrétiennes    
En Samarie    
En Syrie    
A Rome ECRITURE 1  
A Ephèse    
 La tradition patristique
    + 135 Judéo-christianisme   Les Pères apostoliques    
Les Pères d'Orient    
Les Pères d'Occident    
Les Pères du désert    
Des Victorins aux Scholastiques    
 
(MEMOIRE 1)
Les premières expressions du péché

Prise de conscience du péché

Dans le monde polythéiste des mythologies, le mal (différent du péché) vient des dieux des autres qui menacent l'équilibre des fondamentaux, à savoir le mythe (mixte de cosmogonie et d'histoire ancestrale ou encore "histoire sacrée"). Une défaite à la guerre dit que le dieu du peuple vainqueur est le plus fort et les dieux du peuple vaincu entrent dans la panoplie des dieux vainqueurs, à une place subalterne.

Quand les semi-nomades immigrent en Canaan, dont les vieilles féodalités et les dieux sont en perte de vitesse, un autre phénomène va permettre de découvrir une autre approche du péché : l'Assimilation/rejet. Dans ce cadre :
ou bien ce sont nos dieux qui, vaincus, passent à un niveau subalterne,
ou bien c'est une trop grande assimilation aux divinités voisines, c'est-à-dire notre péché, qui entraîne le rejet des populations vu comme punition de nos dieux. Dans ce cas de figure, ce sont nos dieux qui restent les maîtres du jeu. Ils gouvernent en sous-main les dieux du peuple vainqueur puisqu'ils ont appelé les dieux vainqueurs pour nous punir. La prise de conscience du péché se précise pour toutes les tribus ayant participé à cette épreuve : l'assimilation excessive aux divinités étrangères, au risque de fâcher nos dieux, est un péché qui entraîne leur colère. 

(MEMOIRE 2)
Au temps du départ en Exil.

Le péché chez Ezéchiel

Chez Ezéchiel, à la différence de la conception du péché qui se transmet jusqu'à quatre générations (Dt 5,9), Dieu est tellement grand que l'homme est toujours assez pécheur pour justifier le malheur qui lui arrive. Il n'est pas besoin de chercher le péché dans les générations passées. Le péché de chacun détermine la bénédiction ou la malédiction qu'il peut attendre de Dieu (Ez 14,12-23) ; (Ez 18). Si Dieu ne vient pas lui-même changer le cœur de l'homme, remplacer son cœur de pierre (rivé sur les tables écrites sur la pierre) par un cœur de chair (sa parole s'inscrirait dans la chair et non plus dans la pierre), personne ne pourra pratiquer la Parole de Dieu (Ez 36,25-28). Cette dernière est toute puissante : il dit et cela est (Ez 12,24-28). On trouve là déjà, dans cette relecture tardive de la nouvelle Alliance chez Jérémie (Jr 31,31), la perspective apocalyptique qu'il faut une nouvelle irruption de la Parole pour que l'homme puisse pratiquer la Torah.
(MEMOIRE 3)
Le monothéisme d'Amour supplante le monothéisme perse de la lumière.

Le péché dans le cadre du monothéisme

Le Dieu d'Amour ou d'Alliance devient le seul Dieu du ciel et de la terre et le Créateur des fondamentaux (cosmologie et histoire de l'homme).

Plusieurs hypothèses en découlent en ce qui concerne le mal : 

- (Is 45,7) C'est le Dieu d'Amour qui a créé le bien et le mal, c'est-à-dire les fondamentaux à la fois bons (créés par Dieu dans l'Amour) et à la fois mauvais (créés et donc limités). En ce qui concerne les hommes (et à plus forte raison les anges), s'ils sont créés dans l'amour, cela suppose qu'ils soient créés libres de répondre ou non à cet Amour. Dans ce cas de figure, l'homme ne peut jamais être totalement responsable du péché. Car si le péché est le produit de sa liberté, cette dernière est conditionnée par le fait qu'elle appartient au monde créé et donc limité. Si les limites liées au statut de créature ne sont pas un péché, elles sont à l'origine de désirs qui conduisent au péché.

Dès lors deux hypothèses sont possibles :

- Courant apocalyptique : Ou bien Dieu avait mis tellement d'Amour à appeler l'homme que ce dernier trouvait sa joie à ne plus pourvoir faire autrement que de l'aimer en retour. Sa liberté, loin d'en souffrir y trouvait toute sa plénitude. Il était tellement aimé qu'il demeurait en communion avec Dieu, doté d'incorruptibilité (ep'aphtarsia), à l'image de son partenaire divin (Sg 2,23s). On peut alors se demander comment l'homme a pu refuser cette réciprocité d'Amour qui faisait son bonheur. Il a fallu qu'il y soit poussé et cela n'a pu venir que d'un être tellement aimé, lui aussi, mais tellement supérieur à l'homme qu'il a pu, tout à la fois, être jaloux de l'Amour que Dieu portait à l'homme et, en même temps avoir peur que cet amour finisse par l'envahir et prenne toute la place. Il s'est alors coupé de Dieu et a entraîné l'homme dans son refus. L'amour n'étant plus là pour transfigurer ses limites de créature, l'homme s'est retrouvé démuni jusque dans sa mort. Comme le dit le livre de la Sagesse, "c'est par l'envie du diable que la mort est entrée dans le monde" (Sg 2,24). Et ceci n'est pas réparable sans une nouvelle manifestation d'amour miséricordieux de la part de Dieu. D'où l'appel du courant apocalyptique à la manifestation d'un Messie qui ferait irruption dans le temps et pas seulement à la fin des temps comme le pense le courant officiel.

- Ou bien, autre hypothèse, celle du courant officiel : Dieu, au lieu de transfigurer l'homme dès sa venue dans le monde, pouvait respecter son statut de créature et le laisser au jeu de sa liberté dans une nature créée, sujette, elle aussi, au bien et au mal. Dieu lui avait fait don de la Torah pour le guider vers le bien. Il pouvait, en effet, être tellement sûr de la force de son amour qu'il attirerait à lui le peuple qu'il avait élu, et, à travers ce peuple, l'ensemble de la création. Quand à ceux qui refuseraient cet amour créateur, ils finiraient à la fin des temps par en constater la Victoire à leurs dépens.
 
Dans le premier cas de figure (courant apocalyptique), le péché ayant brisé le lien avec l'amour qui assurait la transfiguration de l'homme, il fallait attendre une nouvelle intervention de Dieu pour le renouer. Un Rédempteur, roi, prophète ou prêtre était attendu.
Dans le second cas (courant officiel), rien n'étant brisé, l'amour pouvait continuer son chemin dans le bien et le mal jusqu'à sa victoire finale. On n'attendait plus alors ni miracle de l'Amour, ni prophète individuel, ni roi, ni Messie prêtre.
Les prêtres étaient de cette seconde tendance. Ils l'avaient exprimée dans la Bible à propos du déluge. Si le déluge, avant la découverte du monothéisme, avait témoigné de la maîtrise de Dieu, capable de punir l'homme et l'univers, après la découverte du monothéisme, dans les textes sacerdotaux du courant officiel, il n'y aura plus jamais de déluge (Gn 8,21). En effet, pour les prêtres du courant officiel, si le Dieu d'Amour était l'unique créateur de tout, un péché radical qui entraînerait la rupture de la relation à Dieu et la remise en cause des fondamentaux (comme au temps du déluge), n'était plus, envisageable. La fin des temps verrait la victoire de l'Amour divin. Et puisque rien n'était radicalement compromis dans le cours de l'histoire, on n'attendait pas non plus une nouvelle révélation de cet amour dans l'histoire qui viendrait rendre une beauté originelle à des fondamentaux (création et homme) qui, pour eux, n'avait jamais été perdue.
(MEMOIRE 4)
à Alexandrie après 333.

Torah préexistante et péché

La Torah, à l'image de la Sagesse, (qu'elle s'apparente aux idées de Platon, ou au logos stoïcien) devient préexistante au monde. Dieu a créé la Torah dès avant la création du monde (Si 24,23). Le problème est alors clairement posé : Ou bien on suit (Is 45,7) (version hébraïque retrouvée à Qumran) et on dit que "Dieu a créé le bien et le mal") et dans ce cas l'homme ne peut jamais être totalement et seul responsable de son péché. Ou bien on suit la version hébraïque de Si Il ne faut pas dire que c'est à cause du Seigneur que le pécheur s'est écarté (Si 15,11) contre . Même si l'homme est mis dans un monde où le mal est présent,(nous sommes tous coupables... tous nous devons mourir) (Si 8,5-7) Dieu a donné à l'homme sa Torah. "Aux hommes sont proposés la vie et la mort ; à chacun sera donné selon son choix". Dans le mal l'homme garde dans sa Torah son "diaboulion" (Si 15,14) , sa liberté de jugement.

Mais une autre version retrouvée à Qumran, voit les choses autrement. Dieu "a créé l'homme au commencement et il l'a livré à la main de son ennemi" Le Hoteph/l'ennemi étant dans le courant apocalyptique, le "diabolos/Satan" (jeu de mot en opposition à diaboulion). On aurait là une première allusion à l'homme succombant à l'action du Satan. Dans la même ligne on trouve : "La femme est à l'origine du péché et c'est à cause d'elle que tous nous mourons" (Si 25,24). Il y aurait là une  allusion à un péché de l'homme "dans la main" ou à l'instigation du Satan. 
Au temps de Philon d'Alexandrie un peu avant Jésus.
On trouve des retombées de cette pensée platonicienne par le biais de Philon d'Alexandrie, dans les Evangiles (Jn 1) ; (Mt 19) et chez St Paul (1 Co 15,21) et (1 Co 15,42-49) qui sont des textes faisant allusion au judaïsme hellénistique de tendance apocalyptique.
 
En (Gn 1,27) Dieu a créé l'homme "à son image". Il était donc en communion avec Dieu avant sa création : "Dieu créa l'homme à son image". Et cette unité (il ne sera divisé qu'en (Gn 2,22)) le fait tout ensemble "homme et femme" : "Mâle et femelle il les (ou le) créa".

Philon d'Alexandrie appelle cet Adam image : l'Adam "pneumatique". En tant que créature il serait mortel si l'amour de Dieu ne transfigurait sa limite mortelle en communion ressuscitée avec Dieu selon (2 M 7,28) ou (Dn 12). Ceci suppose une date après les premiers martyres de -167 (persécution d'Antiochus Epiphane). L'Adam pneumatique, homme et femme ensemble dans la communion transfigurée avec Dieu, tient de la bénédiction divine la mission de croître et multiplier pour emplir la terre et en faire la conquête.

Dans le courant apocalyptique on dira qu'à ce stade l'homme n'a pas besoin de se reproduire, puisqu'il ne meurt pas. D'où les laures masculines et féminines à Alexandrie, chez les Esséniens que décrit Flavius Josèphe, ou encore à Qumran (ou Marie et Jésus).
(ECRITURE 1)
Paul s'adresse à l'Eglise de Rome constituée de pagano- et judéo-chrétiens.

Le péché d'Adam chez Paul

(5,12)  Voilà pourquoi, de même que par un seul homme le péché est entré dans le monde et par le péché, la mort,
Le raisonnement de Paul fait ici allusion aux différentes présentations, existant au temps de Paul, au sujet de l'origine du péché. Si le courant officiel ne voyait dans le péché d'Adam et Eve que le premier péché d'une longue liste se poursuivant, sans lien de cause à effet, avec le péché de Caïn puis celui des anges du déluge, celui de Babel avant celui du veau d'or et enfin celui de David, il n'en allait pas ainsi pour le courant apocalyptique auquel Paul se rallie depuis sa vision du Ressuscité à Damas.

Pour le courant apocalyptique l'homme mortel dans sa condition de créature était incorruptible en tant que transfiguré par l'amour créateur aussi longtemps qu'il y correspondait. Si la rupture et ainsi la mort ont atteint tous les hommes du fait que tous ont péché. Car jusqu'à la loi, il y avait du péché dans le monde et bien que le péché ne soit pas porté en compte quand il n'y a pas de loi, pourtant, d'Adam à Moïse, la mort a régné même sur ceux qui n'avaient pas péché par une transgression identique à celle d'Adam, figure de celui qui devait venir. 
Dans son épître aux Romains - sans doute la dernière - Paul expose dans une synthèse théologique, le plan du salut. Cette synthèse, il l'a méditée à la lumière de son ancienne foi juive, de sa rencontre de Jésus au chemin de Damas, de son expérience de converti, mais aussi de ses relations avec ces disciples du Christ : juifs et païens de différents pays.

En bref : là où le péché s'est multiplié, la grâce a surabondé

De même que la grâce du salut vient par un seul homme "Jésus", la rupture est venue par un seul homme "Adam". De même que l'homme n'a pas pu se donner seul le salut, de même il n'a pas pu causer seul la rupture avec Dieu. La prise de conscience d'une cassure originelle liée à Satan libère l'homme d'une culpabilité qui ferait de lui seul l'auteur du mal dans l'humanité.
Le péché et la mort ont dominé le premier Adam et à travers lui, tous les hommes (Rm 5,12). C'est bien le nouvel Adam qui tire l'ancien de l'esclavage le retenant captif.
L'amour de Dieu, qui va jusqu'à mourir pour tous les hommes, est plus originel et plus fondamental que le péché : il le révèle et en libère. C'est l'immense richesse de la grâce du Christ qui montre à quel point le monde est dominé par le père du mensonge et le père du meurtre qui a tué Jésus, comme il a tué Abel (Jn 8,44).   

Les publications de référence :

Les Seuils de la Foi

Editions Parole et Silence et Université Catholique de Lille

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