Verset(s) de la Bible 1 S 26

 Ce chapitre 26 fait directement écho au Ch. 24 : Saül poursuit David et pour la deuxième fois, il est entre ses mains.
David est à deux doigts de le tuer, mais comme au Ch. 24, au dernier moment, il renonce. C'est que porter la main sur le roi est un sacrilège !
 
Là encore il y a un message...
Pour bien le percevoir, il importe de remettre ce texte dans le contexte où il a été écrit et de comprendre l'intention de l'auteur.

Voir les commentaires dans le tableau ci-dessous.

Pour la seconde fois, David est prêt de tuer Saül

(26,2)  S'étant mis en route, Saül descendit au désert de Ziph, accompagné de 3 000 hommes, l'élite d'Israël, pour traquer David dans le désert de Ziph...
(26,4)  David envoya des espions et il sut que Saül était effectivement arrivé...  
(26,7)  Donc David et Abishaï se dirigèrent de nuit vers la troupe : ils trouvèrent Saül étendu et dormant dans le campement, sa lance plantée en terre à son chevet, et Abner et l'armée étaient couchés autour de lui.
(26,8)  Alors Abishaï dit à David : "Aujourd'hui Dieu a livré ton ennemi en ta main. Eh bien, laisse-moi le clouer à terre avec sa propre lance, d'un seul coup et je n'aurai pas à lui en donner un second !"
(26,9) Mais David dit à Abishaï : "Ne le tue pas ! Qui pourrait porter la main sur l'oint de Yahvé et rester impuni ?"...
Bible de Jérusalem (Ed. 1975)

Pour voir texte biblique complet de 1 S 26

Voir aussi (Les fondements bibliques, pages 189-190)
Ce tableau permet de situer la genèse d'un texte biblique (Mémoire, Écriture, Relecture) dans un contexte
de religions environnantes, seuil par seuil, dans des expressions de foi situées.
Religions environnantesSeuilExpressions de la FoiGenèse du texte
 
  La religion mésopotamienne 1 Les dieux du ciel - Aux origines    
  La religion égyptienne Patriarches - Le semi-nomadisme    
  La religion d'Ugarit Assimilation/rejet - Immigration MEMOIRE 1  
 Début de l'écriture biblique
    - VIIIe siècle Le Baal syro-phénicien 2 Luttes contre Baal - Royaumes unifiés MEMOIRE 2  
    - VIIe siècle Le Marduk assyrien Trahison du frère - Chute de Samarie ECRITURE 1  
L'Alliance - Le Temple de Josias RELECTURE 1  
    - VIe siècle Le Marduk babylonien Hénothéisme - L'Exil    
    - Ve siècle
- IVe siècle
Mazdéïsme perse Monothéismes d'Alliance    
Prêtres et Légistes - Second Temple    
Courant apocalyptique    
    - IIIe siècle L'Hellénisme égyptien Hellénisation - Alexandre    
    - IIe siècle L'Hellénisme syrien Persécutions - Antiochus IV    
    L'Hellénisme syrien Séparation des Asmonéens - Esséniens    
    - Ier siècle Rome La foi dans un Judaïsme éclaté    
 
    de 0 à 33 Judaïsme officiel et apocalyptique sous domination romaine 3 Jésus, irruption d'un nouveau monde    
Jésus et le Temple    
Jésus et la Torah    
Jésus et la Pâque    
 Premiers écrits du Nouveau Testament
    de 33 à 70 Judaïsme officiel 4 A Jérusalem    
Missions Judéo-chrétiennes    
En Samarie    
En Syrie    
A Rome    
A Ephèse    
 La tradition patristique
    + 135 Judéo-christianisme   Les Pères apostoliques    
Les Pères d'Orient    
Les Pères d'Occident    
Les Pères du désert    
Des Victorins aux Scholastiques    
 
(MEMOIRE 1)
Issue des mémoires au temps de l'immigration.
En (Gn 2,21), l’Alliance est introduite par la « tardemah/torpeur divine ».
Ce thème, cher à Josias en contexte de l’Alliance, se retrouve en (Gn 15,12) : la Tardemah ou torpeur sacrée ; c’est le moment où Abraham reçoit l’Alliance. On retrouve la tardemah dans ce (1 S 26,12).
Et aussi en (Is 29,10), texte relatif à la visite de YHWH annoncée pour Ariel, ville où campa David. C'est l'époque de Josias.

Pendant la torpeur de Saül...

(1 S 26,8-11« David prit du chevet de Saül la lance et la gourde d’eau et ils s’en allèrent : personne n’en vit rien, personne ne le sut, personne ne s’éveilla, ils dormaient tous, car une « tardemah/torpeur » venant de YHWH s’était abattue sur eux ».
Au temps d’Achab, le roi était - à la mode ougaritique ou assyrienne - dans un palais entouré d’un jardin, avec au milieu duquel il y avait l’arbre de vie.
Toucher à la vie du roi ne pouvait pas rester impuni. Ce contexte a très bien pu inspirer le texte de (Gn 2-3) dans une version primitive.
Le texte s’apparente à (Gn 2-3) où l’interdit de manger de l’arbre vise l’interdit de toucher au roi, sous peine d’être expulsé du « gan/jardin » royal.



Lien avec Gn 2-3 : on ne touche pas au roi, comme on ne touche pas au fruit de l'arbre !

(1 S 26,9)s // (1 S 24,13
David a la possibilité de faire tuer Saül. Il empêche pourtant Abishaï de le faire, car on ne porte la main sur l'oint de YHWH.  
La raison de ce respect manifesté par David envers Saül est donnée au verset suivant : (1 S 26,10) « Par YHWH vivant, c’est YHWH qui le frappera, soit que son jour arrive et qu’il meure, soit qu’il descende au combat et qu’il y périsse. Mais que YHWH me garde de porter la main sur l’oint de YHWH. »
(1 S 24)  La raison invoquée pour ce respect était la suivante : « Que YHWH juge entre moi et toi et que YHWH me venge de toi et ma main ne sera pas sur toi. Comme dit le proverbe ancien : des méchants sort la méchanceté et ma main ne sera pas sur toi ». Puis plus loin : « Que YHWH soit l’arbitre, qu’il juge entre moi et toi, qu’il examine et défende ma cause et qu’il me rende justice en me délivrant de ta main. » On est dans un contexte ancien où est laissée à YHWH la vengeance, en l’absence d’une cour capable de sanctionner. De même, le dicton populaire renvoie aux « mémoires ». Derrière ses premières strates, la « légende royale » de David est perceptible, comme celle du récit (Gn 2-3) où « la voix » de David qui prononce la sentence (1 S 23,17) évoque celle de YHWH en (Gn 3,10)).
C’est la seconde fois que David épargne son persécuteur, oint du Seigneur. La première était en (1 S 24,11-13) est doublée par (1 S 26) IL y a donc vraisemblablement une première et une seconde versions.
(ECRITURE 1) 
Ce pourrait être une rédaction du Sud remontant aux conflits entre le Nord et le Sud, bien avant la guerre syro-éphraïmite, visant à disculper la maison de David de l’extermination de là maison de Saül. 
On est dans la légitimation du Sud contre le Nord.

Le besoin de disculper le Sud (Juda) vis à vis du Nord (Israël)

La fonction du récit consiste à disculper la maison de David de l’extermination de la maison de Saül (+1) : David doit promettre qu’il ne fera rien aux successeurs. Cette fonction du texte plaide pour une antiquité plus grande de cette version, limitée à l’époque de la succession davidique.

en savoir plus
Ce pourrait être là une relecture plus tardive visant à disculper la maison de David de la collaboration avec les Philistins contre Saül écho d'une autre collaboration : celle d’Achaz avec l’Assyrien, contre Samarie. Ce serait une légitimation du Sud (Juda) contre le Nord (Israël) à l'époque d'Ezéchias ou de Josias

Encore le besoin de blanchir David (Juda)

1 S 26, il n’est plus fait allusion au dicton populaire. Si c’est encore YHWH qui frappe, les temps ont changé : il est clair que le rédacteur connaît la fin de l’histoire dont il est en train d’écrire une version rétrospective, antidatée à l’origine unique des deux royaumes. Il connaît la mort de Saül au Gelboé et elle est attribuée à YHWH lui-même. Cette interprétation du pouvoir avec un roi intouchable mais arbitré par YHWH selon le « droit du roi » est plus crédible au temps de Josias (on y retrouve la voix du Roi prononçant la sentence en (1 S 26,17) comme en (Gn 3,10)).    
  
La fonction du récit consiste à disculper David de sa collaboration avec la Philistie due au fait que Saül a chassé David. Cela disculpe le Sud de toutes ses trahisons envers le Nord et disculpe aussi la trahison d’Achaz de la maison de David également qui a été chercher l’assyrien pour écraser Samarie (voir Guerre Syro-Ephraïmite ). On est encore bien là dans une relecture au temps de Josias.

Comme nous le voyons, ce texte reflète des mémoires anciennes, mais il porte des soucis contemporains de l'époque de Josias.
Des histoire ont dû courir sur Saül et David...
Ces histoires ont été reprises à l'époque d'Ezéchias et de Josias, au moment où le Nord (Israël) est tombé sous l'invasion assyrienne. Le Sud, Juda, écrit son histoire en montrant que, s'il a été épargné par l'Assyrie, c'est qu'il a été plus juste, moins pécheur que le Nord. 

Relations difficiles entre le Nord et le Sud

David, pour la deuxième fois, renonce à tuer Saül, roi d'Israël, pour la simple raison qu'il est l'oint du Seigneur.
L'auteur appelle donc ses lecteurs à respecter le roi.

C'est sans doute que le roi était contesté, peut-être menacé. C'était le cas de Josias quand il a fait sa réforme en -620. Faire l'unité entre les gens du Nord réfugiés à Jérusalem, plus riches et plus cultivés que ceux du Sud était une gageure. D'autant que le Sud avait trahi le Nord lors de la guerre syro-éphraïmite.
En reprenant les vieux récits sur David à l'époque de Josias, l'auteur a à cœur de disculper l'ancêtre et de montrer que, s'il y a du péché partout, le Sud est tout de même moins coupable que le Nord. La preuve, David a épargné Saül par deux fois. Il faut donc faire la paix et se reconnaître frères. 

Les publications de référence :

Les Seuils de la Foi

Editions Parole et Silence et Université Catholique de Lille

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