Verset(s) de la Bible Jg 6

L'histoire du juge Gédéon est une véritable épopée. 
Mais qui est ce Gédéon et comment lui vient le titre de "juge" ?

Les versets 25 à 32 montrent le héros aux prises avec le culte de Baal à l'intérieur de son propre clan... Comment comprendre cela ?

Qu'y a-t-il en arrière-fond du combat de Gédéon et qu'est-ce que cela révèle de la foi des tribus au moment où elles s'installent en Canaan ?

Gédéon contre Baal

(6,25)  Il arriva que, pendant cette nuit-là, Yahvé dit à Gédéon : "Prends le taureau de ton père, le taureau de sept ans, et tu démoliras l'autel de Baal qui appartient à ton père et tu couperas le pieu sacré qui est à côté.
(6,26)  Puis tu construiras à Yahvé ton Dieu, au sommet de ce lieu fort, un autel bien disposé. Tu prendras alors le taureau et tu le brûleras en holocauste sur le bois du pieu sacré que tu auras coupé."
(6,27)  Gédéon prit alors dix hommes parmi ses serviteurs et il fit comme Yahvé le lui avait ordonné. Seulement, comme il craignait trop sa famille et les gens de la ville pour le faire en plein jour, il le fit de nuit...
Bible de Jérusalem (Ed. 1975)

Pour voir le texte biblique complet de Jg 6

Voir aussi (Les fondements bibliques,  pages 94, 213)
Ce tableau permet de situer la genèse d'un texte biblique (Mémoire, Écriture, Relecture) dans un contexte
de religions environnantes, seuil par seuil, dans des expressions de foi situées.
Religions environnantesSeuilExpressions de la FoiGenèse du texte
 
  La religion mésopotamienne 1 Les dieux du ciel - Aux origines    
  La religion égyptienne Patriarches - Le semi-nomadisme    
  La religion d'Ugarit Assimilation/rejet - Immigration MÉMOIRE 1  
 Début de l'écriture biblique
    - VIIIe siècle Le Baal syro-phénicien 2 Luttes contre Baal - Royaumes unifiés    
    - VIIe siècle Le Marduk assyrien Trahison du frère - Chute de Samarie    
L'Alliance - Le Temple de Josias ECRITURE 1  
    - VIe siècle Le Marduk babylonien Hénothéisme - L'Exil    
    - Ve siècle
- IVe siècle
Mazdéïsme perse Monothéismes d'Alliance    
Prêtres et Légistes - Second Temple    
Courant apocalyptique    
    - IIIe siècle L'Hellénisme égyptien Hellénisation - Alexandre    
    - IIe siècle L'Hellénisme syrien Persécutions - Antiochus IV    
    L'Hellénisme syrien Séparation des Asmonéens - Esséniens    
    - Ier siècle Rome La foi dans un Judaïsme éclaté    
 
    de 0 à 33 Judaïsme officiel et apocalyptique sous domination romaine 3 Jésus, irruption d'un nouveau monde    
Jésus et le Temple    
Jésus et la Torah    
Jésus et la Pâque    
 Premiers écrits du Nouveau Testament
    de 33 à 70 Judaïsme officiel 4 A Jérusalem    
Missions Judéo-chrétiennes    
En Samarie    
En Syrie    
A Rome    
A Ephèse    
 La tradition patristique
    + 135 Judéo-christianisme   Les Pères apostoliques    
Les Pères d'Orient    
Les Pères d'Occident    
Les Pères du désert    
Des Victorins aux Scholastiques    
 
(MÉMOIRE 1)
Cet épisode fait partie du livret anti-baal sans doute mis par écrit au temps de Jéroboam II après le règne d’Achab. Il se rattache à la lutte anti-baal d’Elie ou d'Elisée dans le Nord. Cette lutte n’est pas encore à la dimension du royaume comme au temps d’Achab. Elle se joue dans le cadre de la tribu (Jg 6,16).

 

Une assimilation pécheresse et sa punition

(6,1)  Les Israélites firent ce qui est mal aux yeux de Yahvé ; Yahvé les livra pendant sept ans aux mains de Madiân.
Ce schéma - péché d'idolâtrie, punition par le biais des voisins, appel au secours, arrivée d'un charismatique, victoire donnée par Dieu, destruction du voisin et retour à la paix -, plusieurs tribus l'ont vécu dans le livre des Juges et en ont vécu l'aventure. A cette époque, il n'y a pas encore de rois.
Ici le voisin destructeur qui apporte la punition est le peuple de Madian, le pays où Moïse, de la tribu de Lévi (Ex 2,1) a fui le Pharaon (Ex 2,15) et a trouvé sa femme Cippora (Ex 2,21) et (Ex 3,1). L'épisode se situe au mieux vers le (-9°s), au temps du roi Achab, à une époque où Moïse n'a pas encore pris la place qu'il aura ensuite dans le rassemblement des traditions opéré par Josias autour du Temple (-7°s).
Moïse étant cité pour la première fois chez les prophètes par Michée (Mi 6,4) (-7°s), l'hostilité de Madian n'a donc alors aucune portée anti-mosaïque.
 
(6,2)
  Et la main de Madiân se fit lourde sur Israël. C'est pour échapper à Madiân que les Israélites utilisèrent les crevasses des montagnes, les cavernes et les refuges. Le paysage décrit ici est un paysage montagneux du Sud où existent ces grottes dans les rochers, ces crevasses et cavernes.
Le voisinage accessible à Madian (Sud-Est de Canaan) se situe dans le Sud.

(6,3)  Chaque fois qu'Israël avait semé, alors Madiân montait, ainsi qu'Amaleq et les fils de l'Orient, ils montaient contre Israël... Les Amalécites sont aussi à la frontière Sud de la terre de Canaan et de la Philistie. Ce sont tous des gens du désert.
 
(6,4)  et, campés sur sa terre, ils dévastaient les produits du sol jusqu'aux abords de Gaza. Ils ne laissaient à Israël aucun moyen de subsistance, ni une tête de petit bétail, ni un bœuf, ni un âne, 
(6,5)  car ils arrivaient, eux, leurs troupeaux et leurs tentes, aussi nombreux que les sauterelles ; eux et leurs chameaux étaient innombrables et ils envahissaient le pays pour le ravager.
Ils sont nomades ou semi-nomades. La mention des chameaux dénote une mise par écrit du texte à l'époque de Josias, puisque c'est un peu avant lui que s'est faite la domestication du chameau (-8°s).

(6,6)  Ainsi Madiân réduisit Israël à une grande misère et les Israélites crièrent vers Yahvé.
(MÉMOIRE 1) et (ECRITURE 1)
Ce vieux récit anti-baal a été relu ultérieurement. Il est maintenant encadré dans la théologie de Josias et le credo de l’Exode. Mais il laisse encore deviner la lutte dans le livret anti-baal quand celle-ci se jouait à l’intérieur des cultes familiaux de la tribu.
 
L’épisode a été détaché du livret où il avait sa place avec les autres écrits anti-baal du Nord et placé dans le livre des Juges qui ouvrait au Sud l’historiographie faite pour soutenir la réforme de Josias.

L'appel du charismatique

(6,7)  Lorsque les Israélites eurent crié vers Yahvé à cause de Madiân, 
(6,8)  Yahvé envoya aux Israélites un prophète qui leur dit : "Ainsi parle Yahvé, Dieu d'Israël. C'est moi qui vous ai fait monter d'Egypte, et qui vous ai fait sortir d'une maison de servitude.
Le prophète Gédéon, comme la prophétesse Déborah, est appelé par Dieu pour sauver le peuple.

Le peuple qui est attaqué par les Amalécites comme par Madian est directement le peuple du Sud. Le Sud aurait-il péché comme le Nord dans le culte au Baal ? Le Sud a été très peu marqué par le Baal et de manière éphémère au temps d'Athalie fille d'Achab et de Jézabel. Ce n'est donc qu'au temps d'Achab (-9°s), que le récit de Gédéon est possible. Mais lorsque Josias fait l'unité entre le Nord et le Sud (-7°s), le culte au Baal a beau avoir été jugulé par Jéhu (2 R 9), le risque demeure. C'est alors qu'il a pu reprendre le vieux récit du temps d'Achab et le placer dans le livre des Juges comme mise en garde contre l'idolâtrie, en tête de l'histoire des tribus qu'il plaçait dans la synthèse du credo centré sur la sortie d'Egypte.
 
(6,9)  Je vous ai délivrés de la main des Egyptiens et de la main de tous ceux qui vous opprimaient. Je les ai chassés devant vous, je vous ai donné leur pays, 
(6,10)  et je vous ai dit : Je suis Yahvé votre Dieu. Vous ne craindrez pas les dieux des Amorites dont vous habitez le pays Mais vous n'avez pas écouté ma voix." Il n'est pas impossible que ces allusions à la sortie d'Egypte aient pu être prononcées au temps d'Achab et de la lutte contre le Baal. En effet on en trouve un écho dans le livre d'Amos de la même période sous Jéroboam II (Am 4,10) - ou encore (Am 2,10) mais qui peut être plus tardif.
Ainsi est-il tout à fait vraisemblable que la lutte contre Baal au temps d'Achab (-9°s) et de Jéroboam II (8°s) ait ensuite servi de modèle contre l’idolâtrie au temps de Josias (-7°s) et ait été placée par lui dans le livre des Juges précédant l'histoire des Rois.

Mais il serait tout aussi légitime de dire, étant donné que Josias ne veut rien inventer qu'il n'ai retrouvé dans le temple à l'écoute de la prophétesse Hulda (2 R 22), que ces formules font partie du credo d'Exode qu'il a mises par écrit à partir de mémoires ancestrales rassemblées dans le Temple. Ce qui du point de vue de la foi revient au même. 
Tel est le cadre rédactionnel de la relecture.

Apparition de l'ange

(6,11)  L'Ange de YHWH... Aux versets : 14, 16 et 23, c'est YHWH lui-même. Mais ici, il se laisse deviner. Cette superposition de YHWH et de son ange fait partie de l'héritage des mémoires populaires avant le passage au monothéisme
vint et s'assit sous le térébinthe d'Ophra, qui appartenait à Yoash d'Abiézer sur le territoire de Manassé proche de Sichem, lieu des toutes premières installations des tribus dans les mémoires. Gédéon, son fils, battait le blé dans le pressoir pour le soustraire à Madiân,
 
(6,12)  et l'Ange de Yahvé lui apparut : "YHWH avec toi, lui dit-il, vaillant guerrier !" Cette appellation "vaillant guerrier" relie l'épisode à la guerre sainte.
 
(6,13)  Gédéon lui répondit : "Je t'en prie, mon Seigneur ! Si Yahvé est avec nous, d'où vient tout ce qui nous arrive ? Où sont tous ces prodiges que nous racontent nos pères quand ils disent : Yahvé ne nous a-t-il pas fait monter d'Egypte ? Et maintenant Yahvé nous a abandonnés, ils nous a livrés au pouvoir de Madiân..."  On croirait entendre les récriminations des hébreux dans le désert, discutant avec Moïse de ce qu'ils croient être l'abandon du peuple par YHWH (Ex 15,24). C'est alors que Dieu envoie la manne et l'eau du rocher et suit le combat contre Amaleq (Ex 17,8), que l'on retrouve ici allié de Madian.
Il semblerait donc que nous ayons une redite de la vocation de Moïse dans le désert, et donc que nous ayons affaire à une illustration du credo de Josias et de Moïse. Et pourtant, nous sommes bien à l'époque d'Elie et de la lutte contre le Baal.

Comme signe de reconnaissance à l’ange qui se présente à lui, Gédéon offre des prémices (chevreau, farine, pain sans levain, Jg 6,18s). Ce ne sont plus des rites du désert mais les substituts des offrandes à Baal par les premiers installés durant les fêtes agraires : "tu ne te présenteras pas à moi les mains vides" (Ex 23,14-19).
 
(6,14)  Alors Yahvé se tourna vers lui et lui dit : "Va avec la force qui t'anime et tu sauveras Israël de la main de Madiân. N'est-ce pas moi qui t'envoie ?"
On a là une vocation qui rappelle celle de Moïse au buisson ardent (Ex 3,7-12).

(6,15)  "Pardon, mon Seigneur ! lui répondit Gédéon, comment sauverais-je Israël ? Mon clan est le plus pauvre en Manassé et moi, je suis le dernier dans la maison de mon père."  Moïse en (Ex 3,11) disait : "Qui suis-je pour aller trouver pharaon". On a ici quelque chose de semblable, comme obstacle à l'accueil de sa vocation.
Mais c'est aussi la fuite d'Elie devant sa vocation, dans la lutte contre le Baal (1 R 17,1-6) et (1 R 19,4-8) / cf. (1 R 17-2 R 2).

Est-ce Moïse ou Elie qui inspire notre texte ?
Ou bien ces textes sur Moïse et Elie sont-ils inspirés par le nôtre ?

Ferait pencher vers le fait que dans notre récit, nous ne sommes plus dans le désert mais tout près de Sichem dans la tribu de Manassé. Mais nous sommes, là encore dans une relecture plus tardive car, si la Tribu de Manassé était pauvre à ses débuts, elle sera bientôt comptée avec Ephraïm (toutes deux partition de la tribu de Joseph) parmi les plus riches. Il est clair que l'histoire de Gédéon est, à l'origine, voisine de celle d'Elie dans la lutte contre le Baal mais que l'ensemble sera relu ensuite à la lumière de Moïse et de la Théologie d'Exode de Josias.
 
(6,16)  Yahvé lui répondit : "Je serai avec toi"... Cela évoque encore le buisson ardent avec YHWH qui se définit comme "iheyeh asher iheyeh/je serai avec toi qui je serai" (Ex 3,14)... et tu battras Madiân comme si c'était un seul homme." C'est l'annonce de la bataille victorieuse qui va suivre. 
(MÉMOIRE 1) et (ECRITURE 1)
La vocation de Moïse à sauver son peuple d'Egypte a été accompagnée des signes (la manne et l'eau du rocher), de prodiges devant le Pharaon et des plaies d'Egypte.

L'aventure d'Elie contre le Baal a été accompagnée de signes.

La péricope de l'apparition de l'ange se termine par : "Jusqu'à ce jour, cet autel est encore à Ofra d'Avièzer". Le rédacteur regarde le lieu-dit encore visible de son temps comme écho d'un évènement lointain gardé dans les mémoires. C'est ce que l'on appelle un récit étiologique. C'est donc que le rédacteur se situe bien plus tard. 

Gédéon demande un signe

(6,17)  Gédéon lui dit : "Si j'ai trouvé grâce à tes yeux, donne-moi un signe que c'est toi qui me parles. On retrouve le parallèle avec le récit de l'Exode : "J'étendrai la main et je frapperai l'Egypte par les prodiges de toute sorte" (Ex 3,20). Dans le credo qui s'élabore alors entre le 8° s. et Josias, la sortie d'Egypte était accompagnée de signes comme les plaies d'Egypte déjà sous-jacentes à (Am 4,10). Le texte peut donc, là encore s'enraciner dans les mémoires de l'Exode. Mais dans le récit sur Elie, on a aussi des signes et des prodiges pour confirmer la lutte d'Elie. Il est nourri au désert de pain, de viande et d'eau (1 R 17,6) comme le peuple au désert, et deux miracles suivent : l'eau et la galette de la cruche de la veuve de Sarepta et la résurrection de son fils (1 R 17,7-24).

(6,18)  Ne t'éloigne pas d'ici, je te prie, jusqu'à ce que je revienne vers toi. Je t'apporterai mon offrande et je la déposerai devant toi." Et il répondit : "Je resterai jusqu'à ton retour."
(6,19)  Gédéon s'en alla, il prépara un chevreau, et avec une mesure de farine il fit des pains sans levain. Il mit la viande dans une corbeille et le jus dans un pot, puis il lui apporta le tout sous le térébinthe. Comme il s'approchait,
(6,20)  l'Ange de Yahvé lui dit : "Prends la viande et les pains sans levain, pose-les sur ce rocher et répands le jus."  Elie au Carmel prépare aussi l'autel (1 R 18,32-35) Et Gédéon fit ainsi.

(6,21)  Alors l'Ange de Yahvé étendit l'extrémité du bâton qu'il tenait à la main et il toucha la viande et les pains sans levain. Le feu jaillit du roc, il dévora la viande et les pains sans levain, et l'Ange de Yahvé disparut à ses yeux. L’offrande est agréée, comme celle d’Elie au Carmel par le feu qui tombe du ciel (1 R 18,38) (Jg 6,21s). Le feu du ciel n’est donc plus dans la main de Baal mais dans celle de l’ange de YHWH.

(6,22)  Alors Gédéon vit que c'était l'Ange de Yahvé et il dit : "Hélas ! mon Seigneur Yahvé ! C'est donc que j'ai vu l'Ange de Yahvé face à face ?"
(6,23)  Yahvé lui répondit : "Que la paix soit avec toi ! Ne crains rien : tu ne mourras pas."
(6,24)  Gédéon éleva en cet endroit un autel à Yahvé et il le nomma Yahvé-PaixCar on ne peut pas voir Dieu sans mourir. Seul Moïse ira en haut du Sinaï (Ex 19,21), lui seul peut entrer dans la tente de la rencontre (Ex 34,29-35). Mais on a l'équivalent dans la geste d'Elie à l'Horeb (1 R 19). Là encore, les deux traditions d'Elie et de Moïse se croisent.  ...Cet autel est encore aujourd'hui à Ophra d'Abiézer. Le clan de Gédéon est alors le plus pauvre en Manassé (Jg 6,15). Il peut faire partie d’une tribu immigrée du côté de Sichem puisque l’autel qu’il a élevé lors de son sacrifice est à Abiézer, un peu à l’ouest de Sichem (Jg 6,24). Et dans cette région du Sud, les Madianites peuvent facilement pénétrer.
(MÉMOIRE 1)
On est ici dans un récit original de la lutte contre le Baal, parallèle à celui d'Elie au Carmel et qui n'a plus rien à voir avec le récit d'Exode. 

L'autel de Baal renversé

(6,25)  Il arriva que pendant cette nuit-là, Yahvé dit à Gédéon : "Prends le taureau de ton père, le taureau de sept ans, et tu démoliras l'autel de Baal qui appartient à ton père et tu couperas le pieu sacré qui est à côté.
(6,26)  Puis tu construiras à Yahvé ton Dieu, au sommet de ce lieu fort, un autel bien disposé. Tu prendras alors le taureau et tu le brûleras en holocauste sur le bois du pieu sacré que tu auras coupé." Le père a un autel dédié à Baal, il a même un pieux sacré (Symbole d'Ashéra, parèdre du Baal) qui en complète le culte (Jg 6,25).

(6,27)  Gédéon prit alors dix hommes parmi ses serviteurs et il fit comme Yahvé le lui avait ordonné. Seulement, comme il craignait trop sa famille et les gens de la ville pour le faire en plein jour, il le fit de nuit. Gédéon, comme Elie, est seul face à tout le monde, y compris sa famille, adepte du Baal. Il doit renverser l'autel de nuit pour y faire à YHWH le sacrifice prévu pour Baal. L’autel qui doit remplacer celui de Baal une fois qu’il sera détruit par Gédéon doit se situer sur une hauteur...    
(MÉMOIRE 1)
On a, comme pour le mot Ophra d'Abiézer un récit étiologique, c'est-à-dire qui cherche à rendre compte d'un nom par ce qui a été transmis dans les mémoires et dont on a gardé la trace au temps de la rédaction. Ici il ne s'agit plus d'un nom de lieu, mais du nom Yerubbaal prêté à Gédéon par des sources anciennes. 

L'enquête

(6,28)  Le lendemain matin les gens de la ville se levèrent ; l'autel de Baal avait été détruit, le pieu sacré qui se dressait à côté avait été coupé, et le taureau avait été offert en holocauste sur l'autel qu'on venait de bâtir.
(6,29)  Ils se dirent alors les uns aux autres : "Qui a fait cela ?" Ils cherchèrent, s'informèrent et ils dirent : "C'est Gédéon fils de Yoash qui a fait cela."
(6,30)  Les gens de la ville dirent alors à Yoash : "Fais sortir ton fils et qu'il meure, car il a détruit l'autel de Baal et coupé le pieu sacré qui se dressait à côté."
(6,31)  Yoash répondit à tous ceux qui se tenaient près de lui : "Est-ce à vous de défendre Baal ? Est-ce à vous de lui venir en aide ?  S'il est dieu, qu'il se défende lui-même, puisque Gédéon a détruit son autel." L'argument est clair : Si Baal est dieu, il n'a pas besoin qu'on le défende. Qu'il se fasse justice à lui-même ! S'il ne l'a pas fait et a laissé détruire son autel, c'est que le vrai pouvoir est à YHWH qui s'est servi de Gédéon pour renverser Baal. Le relecteur pourra plus tard ajouter : (Quiconque défend Baal doit être mis à mort avant qu'il ne fasse jour.)

(6,32)  Ce jour-là on donna à Gédéon le nom de Yerubbaal, car, disait-on : "Que Baal s'en prenne à lui, puisqu'il a détruit son autel !" 
Le culte une fois rétabli, la guerre sainte victorieuse doit pouvoir reprendre. La demande de signe peut s'inspirer du temps du rédacteur comme dans la geste de Moïse et celle d'Elie. 

Nouvelle demande de signes

(6,33)  Tout Madiân, Amaleq et les fils de l'Orient se réunirent et, ayant passé le Jourdain, ils vinrent camper dans la plaine de Yizréel.
(6,34)  L'esprit de Yahvé revêtit Gédéon, il sonna du cor et Abiézer se groupa derrière lui.
(6,35)  Il envoya des messagers dans tout Manassé, qui se groupa aussi derrière lui, et il envoya des messagers dans Asher, dans Zabulon et dans Nephtali ; et ils montèrent à sa rencontre.  On retrouve le même rassemblement de tribus qu'au temps de Déborah (Jg 4) mais le clan de départ dans le Sud est Manassé et non plus Sichem. Ce sont les mêmes tribus du Nord que l'on invite au combat. Une demande de signe précède le départ à la guerre, comme il précédait la destruction de l'autel de Baal.

(6,36)  Gédéon dit à Dieu : "Si vraiment tu veux délivrer Israël par ma main, comme tu l'as dit,
(6,37)  voici que j'étends sur l'aire une toison de laine : s'il y a de la rosée seulement sur la toison et que le sol reste sec, alors je saurai que tu délivreras Israël par ma main, comme tu l'as dit."
(6,38)  Et il en fut ainsi. Gédéon se leva le lendemain de bon matin, il pressa la toison et, de la toison, il exprima la rosée, une pleine coupe d'eau.
(6,39)  Gédéon dit encore à Dieu : "Ne t'irrite pas contre moi si je parle encore une fois. Permets que je fasse une dernière fois l'épreuve de la toison : qu'il n'y ait de sec que la seule toison et qu'il y ait de la rosée sur tout le sol !"
(6,40)  Et Dieu fit ainsi en cette nuit-là. La toison seule resta sèche et il y eut de la rosée sur tout le sol. 
Voir commentaires des Pères sur Gédéon : la toison, mais surtout contre Baal et sur le fait que Dieu assiste ceux qui mettent leur foi en lui et non en leurs propres forces.

Commentaire des Pères sur Gédéon

L'épopée de Gédéon a été relue par plusieurs auteurs, à différentes époques et dans des perspectives plurielles.

Mais un fond ancien est repérable reflétant une époque où les tribus ont appris peu à peu à se distancer des cultes et usages cananéens pour ré-habiter leur foi en YHWH, le dieu du désert, à nouveaux frais. 

En bref, le combat de Gédéon

Toute une histoire de la foi se dégage de ce récit :

Gédéon est issu d'une tribu semi-nomade qui s'est installée dans le haut pays de Canaan, qui a a du apprendre à cultiver la terre ce qui allait de pair avec le culte de Baal... Ainsi, le père de Gédéon a, dans son propre enclos, un autel à Baal. Mais Gédéon investi de l'Esprit de YHWH renverse l'autel et offre un sacrifice à YHWH, Dieu sauveur et protecteur des tribus semi-nomades.

Ce Dieu qui a donné la victoire aux marginaux et aux petits, lors de la bataille de Megiddo, près du Qishon avec Déborah et Baraq contre Sisera et ses chars. 
Ce Dieu qui a autrefois sauvé d'Egypte... 
Ce Dieu donnera et donne encore la victoire à ceux qui, pauvres de tous moyens, se fient en Dieu seul : Il renverse les puissants et relève Israël son serviteur comme le chante le Magnificat (Lc 1). 

Les publications de référence :

Les Seuils de la Foi

Editions Parole et Silence et Université Catholique de Lille

En savoir plus
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