Verset(s) de la Bible Is 7

Ce chapitre a besoin d'être remis dans le contexte tumultueux de l'époque.

Ce n'est rien moins que la survie du royaume de Juda, au sud, qui est en jeu.

Ce faisant, les oracles du prêtre prophète de cour Isaïe, avec son étonnant appel à la foi inconditionnelle en YHWH, s'éclaireront. 

Guerre syro-éphraïmite et annonce de l'Emmanuel

(7,1)  Au temps d'Achaz, fils de Yotam, fils d'Ozias, roi de Juda, Raçôn, roi d'Aram, monta avec Péqah, fils de Remalyahu, roi d'Israël, vers Jérusalem pour porter l'attaque contre elle, mais il ne put l'attaquer. 
(7,2)  On annonça à la maison de David : "Aram a fait halte sur le territoire d'Ephraïm." Alors son cœur et le cœur de son peuple se mirent à chanceler comme chancellent les arbres de la forêt sous le vent. 
(7,3)  Et Yahvé dit à Isaïe : Sors au-devant d'Achaz, toi et Shéar-Yashub ton fils, vers l'extrémité du canal de la piscine supérieure, vers le chemin du champ du Foulon.  
(7,4)  Tu lui diras : Prends garde et calme-toi. Ne crains pas et que ton cœur ne défaille pas devant ces deux bouts de tisons fumants, à cause de l'ardente colère de Raçôn, d'Aram et du fils de Remalyahu,  
(7,5)  parce qu'Aram, Ephraïm et le fils de Remalyahu ont tramé contre toi un mauvais coup en disant :  
(7,6)  "Montons contre Juda, détruisons-le, brisons-le pour le ramener vers nous, et nous y établirons comme roi le fils de Tabeel."... 

Bible de Jérusalem (Ed. 1975)

Pour voir le texte biblique complet de Is 7

Voir aussi ( Les fondements bibliques pages 237, 241)
Ce tableau permet de situer la genèse d'un texte biblique (Mémoire, Écriture, Relecture) dans un contexte
de religions environnantes, seuil par seuil, dans des expressions de foi situées.
Religions environnantesSeuilExpressions de la FoiGenèse du texte
 
  La religion mésopotamienne 1 Les dieux du ciel - Aux origines    
  La religion égyptienne Patriarches - Le semi-nomadisme    
  La religion d'Ugarit Assimilation/rejet - Immigration    
 Début de l'écriture biblique
    - VIIIe siècle Le Baal syro-phénicien 2 Luttes contre Baal - Royaumes unifiés    
    - VIIe siècle Le Marduk assyrien Trahison du frère - Chute de Samarie ECRITURE 1  
L'Alliance - Le Temple de Josias ECRITURE 2  
    - VIe siècle Le Marduk babylonien Hénothéisme - L'Exil    
    - Ve siècle
- IVe siècle
Mazdéïsme perse Monothéismes d'Alliance    
Prêtres et Légistes - Second Temple ECRITURE 3  
Courant apocalyptique    
    - IIIe siècle L'Hellénisme égyptien Hellénisation - Alexandre RELECTURE 1  
    - IIe siècle L'Hellénisme syrien Persécutions - Antiochus IV    
    L'Hellénisme syrien Séparation des Asmonéens - Esséniens    
    - Ier siècle Rome La foi dans un Judaïsme éclaté    
 
    de 0 à 33 Judaïsme officiel et apocalyptique sous domination romaine 3 Jésus, irruption d'un nouveau monde RELECTURE 2  
Jésus et le Temple    
Jésus et la Torah    
Jésus et la Pâque    
 Premiers écrits du Nouveau Testament
    de 33 à 70 Judaïsme officiel 4 A Jérusalem    
Missions Judéo-chrétiennes    
En Samarie    
En Syrie    
A Rome    
A Ephèse    
 La tradition patristique
    + 135 Judéo-christianisme   Les Pères apostoliques    
Les Pères d'Orient    
Les Pères d'Occident    
Les Pères du désert    
Des Victorins aux Scholastiques    
 
On se reportera à la vidéo "Chute de Samarie" qui explique le jeu d'alliances qui aboutira à la trahison du frère du Nord par le Royaume de Juda.

(Is 6) et (Is 8) sont des récits tout entiers en "je" . Ils font inclusion autour du Ch. 7 qui est un récit en "il", où c'est directement YHWH qui s'adresse à Achaz le roi régnant : en pleine guerre syro-éphraïmite YHWH invite Achaz à demander un signe. Le signe n'est plus donné à Isaïe pour préciser sa vocation (Is 6,6s) mais à Achaz.

Le contexte de l'Alliance syro-éphraïmite

(7,1)  Au temps d'Achaz, fils de Yotam, fils d'Ozias, roi de Juda, Raçôn, roi d'Aram, monta avec Péqah, fils de Remalyahu, roi d'Israël, vers Jérusalem pour porter l'attaque contre elle, mais il ne put l'attaquer. C'est le contexte historique de la guerre syro-éphraïmite : Achaz est affronté à Raçôn de Damas et à Peqah roi d'Israël qui attaquent Jérusalem pour l'introduire de force dans la coalition contre l'Assyrie.

(7,2) On annonça à la maison de David : "Aram a fait halte sur le territoire d'Ephraïm." Alors son cœur et le cœur de son peuple se mirent à chanceler comme chancellent les arbres de la forêt sous le vent. Le roi apprend que Damas est déjà installé en Israël/Ephraïm et monte sur Jérusalem.

(7,3)  Et Yahvé dit à Isaïe : Sors au-devant d'Achaz, toi et Shéar-Yashub (un reste reviendra) ton fils, vers l'extrémité du canal de la piscine supérieure, vers le chemin du champ du Foulon. YHWH invite Isaïe à rejoindre Achaz occupé à faire dériver les eaux de la source du Guihon (extérieure aux remparts) vers l'intérieur de la ville pour l'approvisionner en eau durant le siège qui s'annonce. (+1)

(7,4)  Tu lui diras : Prends garde et calme-toi. Ne crains pas et que ton cœur ne défaille pas devant ces deux bouts de tisons fumants (Raçôn et Péqah), à cause de l'ardente colère de Raçôn, d'Aram et du fils de Remalyahu (Péqah) 
(7,5)  parce qu'Aram, Ephraïm et le fils de Remalyahu (Péqah) ont tramé contre toi un mauvais coup en disant :  
(7,6) "Montons contre Juda, détruisons-le, brisons-le pour le ramener vers nous, et nous y établirons comme roi le fils de Tabéel." Isaïe doit dire à Achaz de ne pas craindre Raçôn ni Peqah résolus à mettre sur le trône à sa place un de leurs partisans, le fils de Tabéel (+2), ce qui signifierait la fin de la dynastie de David.
 
(7,7)  Ainsi parle le Seigneur Yahvé : Cela ne tiendra pas, cela ne sera pas ;
YHWH garantit que Ephraïm sera anéanti à plus ou moins longue échéance.
 
(7,8)  car la tête d'Aram c'est Damas, et la tête de Damas c'est Raçôn ; encore 6 (Shesh) et 5 (Hamesh) ans, et Ephraïm cessera d'être un peuple.
La tête d'Ephraïm c'est Samarie, et la tête de Samarie c'est le fils de Remalyahu (+3). On est juste après la mort d'Ozias en (-735). Si on comprend 6 ou 5 ans, (en gommant simplement le "mem" du pluriel de "shesh") (+2), ce peut être une prévision d'Isaïe à court terme et l'histoire lui aurait donné raison. Les sources assyriennes montrent qu'en (-734) l'Assyrie attaque la Philistie pour couper Israël de toute alliance avec l'Egypte. Puis en (-733) l'Assyrie conquiert la Galilée et la plaine de Yisréel, Haçor et Megiddo. Péqah est tué et son successeur paie un lourd tribut à l'Assyrie. Finalement Samarie tombe en (-721).

(7,9) Si vous ne croyez pas, vous ne vous maintiendrez pas. La Parole de YHWH transmise par Isaïe se termine par un jeu de mot sur la racine "Emounah" (fermeté ou foi) : si vous n'êtes pas fermes (dans la foi ou au combat), vous ne serez pas fermes (dans la foi ou au combat).
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(+1) 
Cette dérivation donnera plus tard (-701) le canal d'Ezéchias pour soutenir le siège contre Sennachérib (Is 36,2) (cf. note a de la TOB sur ce verset 7,3). 

(+2)
 Le fils de Tabéel. Ce nom "Tav-El" (Dieu est bon) a pu trouver sa version hébraïque en Tob-Ya (Ya est bon) que l'on retrouve à la période du second temple en (Ne 2,19). Il est alors désigné comme ammonite, opposant au Royaume de Juda. Il n'est pas impossible que sa famille ait déjà été dans l'opposition à Juda au temps de la guerre syro-éphraïmite. Le glissement entre la période de l'opposition de Tobiya au second temple et la période de l'opposition de Tabéel à Achaz a pu amener le glissement entre 65 et 6 ou 5 dans le comput des années. "Shishim we hamesh" 65 ans peut être l'ajout d'un "mem" à "shesh we hamesh" 6 ou 5. 

(+3)
Le verset en caractère italique gras coupe en deux deux versets parfaitement parallèles. L'édition critique propose de le reporter après les deux membres parallèles. C'est en tout cas l'indice d'un verset retravaillé. 
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(7,7)  Ainsi parle le Seigneur Yahvé : Cela ne tiendra pas, cela ne sera pas ; YHWH garantit que Ephraïm sera anéanti à plus ou moins longue échéance (+1).  

(7,8)  car la tête d'Aram c'est Damas, et la tête de Damas c'est Raçôn ; encore 65 ans, et Ephraïm cessera d'être un peuple. On est juste après (-735). Ces 65 ans nous conduiraient en (-670) (Asarhaddon-Manassé). Asarhaddon, vainqueur de l'Egypte, aurait déporté le reste des Ephraïmites, lesquels demandent à Zorobabel de les aider à rebâtir le Temple de Jérusalem (Esd 4,2). On serait alors dans une relecture largement postexilique dont on ne voit pas bien le sens. 
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(+1) 
Cf la note z de la TOB sur le v.8.
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(7,10) Yahvé parla encore à Achaz en disant : On a ici un second oracle non plus à Isaïe pour Achaz mais directement à Achaz.

(7,11) Demande un signe à Yahvé ton Dieu, au fond, dans le shéol, ou vers les hauteurs, au-dessus. Un évènement dans l'histoire qui donne sens à cette histoire parce qu'il dépasse l'horizon de l'homme en profondeur ou en hauteur. Ceci met en valeur la grandeur de YHWH dans le sens du caractère "à part" de la vision d'Isaïe où YHWH trône entouré d'anges dans le temple (Is 6) où le dieu assyrien sera installé par Achaz dès qu'il aura pris la résolution de contourner la guerre syro-éphraïmite en faisant alliance avec Teglat Phalasar (2 R 16,7). Le rédacteur connait ce dénouement de l'histoire qu'il a annoncé juste avant en 7,7-10. Les deux visions peuvent correspondre à deux oracles rassemblés plus tard par le rédacteur de la vocation qui recouvre tout le ministère d'Isaïe.

(7,12) Et Achaz dit : Je ne demanderai rien, je ne tenterai pas Yahvé. Ceci excuse Achaz et le situe parmi ceux qui resteront "fermes" dans la foi ou dans la guerre.

(7,13) Il dit alors : Écoutez donc, maison de David ! La maison de David est ici opposée à la maison d'Ephraïm dans le Nord qui recherche des sécurités dans la coalition des alliances contre l'Assyrie. Or l'oracle précédent a montré que YHWH connaissait l'issue de ce jeu politique au détriment d'Ephraïm. Est-ce trop peu pour vous de lasser les hommes, que vous lassiez aussi mon Dieu ? Le fait de refuser à Dieu de parler d'un lieu ou il dépasse le simple horizon de l'homme lasse les hommes car on leur refuse l'horizon qui pourrait donner sens à leur vie mais il lasse aussi Dieu à qui on ne permet pas d'entretenir sa relation d'amour avec l'homme. La seule issue consiste à tenir dans la foi. Et cette foi sera soutenue par un "signe" qui garantira la pérennité de la dynastie de David au-delà d'Achaz jusqu'à Ezéchias en (-701).

L'annonce du successeur d'Achaz

(7,14) C'est pourquoi le Seigneur lui-même vous donnera un signe : Voici, la jeune femme est enceinte, La "alma" désigne ici l'épouse désignée par le roi comme reine. On peut aussi traduire : l'épouse reine primipare (à son premier enfant). C'est la fonction de l'épouse reine d'assurer la succession au trône (+1).

elle va concevoir (harah) et enfanter (ioledet) un fils. On a le même verbe (ielidtikha) dans le Ps 2,7 pour désigner la montée sur le trône du roi. L'enfantement désigne donc la montée sur le trône. De fait le petit Ezéchias fils d'Achaz était encore sous la tutelle d'Isaïe et n'était pas encore monté sur le trône. Isaïe met tout son espoir dans le dauphin dont il assure la tutelle et voit la perspective de son couronnement comme une garantie que l'on cessera de compter sur le jeu des alliances comme le faisait Achaz en misant sur l'alliance fratricide avec Teglat Phalasar et son Dieu Assur. C'est un pari sur Dieu que fait Isaïe dont la vocation nous dit qu'il faut changer de registre et mettre sa foi en Dieu et non plus dans la réussite d'alliances humaines dangereuses pour la foi dans la mesure où elles incluent les alliances avec les dieux étrangers.
 
et elle lui donnera le nom d'Emmanuel.
Le dauphin dès son accession au trône portera en son nom cette seule alliance avec YHWH. Il s'appellera "Dieu avec nous". C'est dans cette proximité de Dieu avec la dynastie davidique que l'on verra le salut de Jérusalem au temps d'Ezéchias et la garantie de pérennité de la dynastie elle-même couronnée par l'avènement d'Ezéchias. Il est évident que cette justification de la dynastie davidique a pu être écrite après coup à la cour de Josias ou à la cour de ceux qui voyaient dans la réforme d'Ezéchias la victoire de la foi et dans la salut de Jérusalem le sceau de la présence de YHWH avec le Royaume du Sud dont la capitale venait d'être sauvée (-701), alors que Samarie était tombée (-722). Le péché d'Achaz trahissant le frère du Nord dans son alliance avec Teglat Phalasar et son Dieu Assur se trouvait d'une certaine manière pardonné.

(7,15)  Il mangera du lait caillé et du miel (comme l'enfant) jusqu'à ce qu'il sache rejeter le mal et choisir le bien (majorité). Rejeter le mal et choisir le bien annonce déjà l’œuvre d'Ezéchias et de ses successeurs jusqu'à Josias, lequel finira l’œuvre de son prédécesseur en éditant la Torah comme lieu de discernement du bien et du mal (Dt 30,15) ou encore l'"arbre" de la connaissance du bien et du mal.

(7,16) Car avant que l'enfant sache rejeter le mal et choisir le bien, elle sera abandonnée, la terre dont les deux rois te jettent dans l'épouvante (entre -733 et -721). La conquête de Damas (-732) puis la chute de Samarie suivie du démembrement de sa population dans les provinces assyriennes (2 R 17,24) précèderont de peu la montée sur le trône d'Ezéchias (-716).
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(+1) 
Cf note o de la TOB sur le verset 14.
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Après la réforme de Josias l'horizon s'assombrit. Il n'est pas difficile pour un rédacteur de son temps de voir réalisé le malheur annoncé par Isaïe dans la menace qu'exerce Babylone et aboutira à l'Exil.

Mais une autre hypothèse est plus vraisemblable : 65 ans après l'annonce de l'Emmanuel (7,8), à l'époque de Manassé, les destructions dues à la campagne de Sennachérib en (-701) sont encore visibles. Un rédacteur a pu relire dans ce sens les annonces d'Isaïe stigmatisant le jeu des Alliances malheureuses passées par Ezéchias contre l'avis du prophète.

Perspectives d'avenir

(7,17)  Yahvé fera venir sur toi, sur ton peuple et sur la maison de ton père des jours tels qu'il n'en est pas venu depuis la séparation d'Ephraïm et de Juda (le roi d'Assur). La séparation d'Ephraïm (Samarie) et de Juda (Jérusalem) s'est faite justement sous Achaz qui a fait alliance avec l'Assyrie et cette trahison a amené la fin de Samarie (-721) et son éparpillement dans les provinces assyriennes. Isaïe annonce des jours terribles pour Achaz en punition de cette mésalliance.

(7,18)  Il arrivera, en ce jour-là, que Yahvé sifflera les mouches qui sont à l'extrémité des fleuves d'Egypte et les abeilles qui sont au pays d'Assur. Ces menaces se réalisent au confluent de l'Egypte et d'Assur et doivent viser le siège de Sennachérib. A la mort de Sargon, Ezéchias soulève un ensemble de coalisés avec le soutien de l'Egypte. Sennachérib, après avoir écrasé les Philistins (soutenus par l'Egypte), prend les forteresses au Sud-Ouest de Jérusalem et en particulier Lakish, puis met le siège devant Jérusalem. Ezéchias envoie un lourd tribut à Sennachérib, mais en vain. La ville résiste grâce au canal d'Ezéchias qui approvisionne les habitants en eau. Puis brusquement (2 R 19,8) Sennachérib repart chez lui.

(7,19)  Elles viendront et se poseront toutes dans les torrents des ravins et dans les fentes des rochers, sur tous les buissons et à tous les points d'eau.  
(7,20)  En ce jour-là, le Seigneur rasera avec un rasoir loué au-delà du fleuve, (avec le roi d'Assur) la tête et le poil des jambes, et même la barbe, il l'enlèvera.  En fait cette victoire de Jérusalem laissait le pays dans une misère noire. Sennachérib avait pratiquement tout rasé.

(7,21)  Il arrivera, en ce jour-là, que chacun élèvera une génisse et deux têtes de petit bétail.  
(7,22)  Et il arrivera qu'en raison de l'abondante production du lait, (il mangera du lait caillé) tout survivant au milieu du pays mangera du lait caillé et du miel.  
(7,23)  Il arrivera, en ce jour-là, que tout lieu où il y a mille pieds de vigne valant mille pièces d'argent deviendra ronces et épines.  
(7,24)  Avec flèches et arc on y pénétrera, car tout le pays sera ronces et épines. 
(7,25)  Sur toutes les montagnes qui sont cultivées à la houe, tu n'iras plus par crainte des ronces et des épines, et ce sera pacage de bœufs et terre piétinée par les moutons. 
Les Septante (LXX) relisent l'annonce de l'Emmanuel en Egypte après la conquête d'Alexandre

La relecture égyptienne

(7,14)  C'est pourquoi le Seigneur lui-même vous donnera un signe : Voici, la Alma/reine primipare est enceinte, elle va enfanter un fils et elle lui donnera le nom d'Emmanuel. Après la conquête d'Alexandre, les exilés sous domination égyptienne (Ptolémée d'Egypte) n'ont plus de dynastie royale. Zorobabel a été évincé après la reconstruction du Temple (Za 3). L'annonce par Isaïe d'un roi (Ezéchias) enfanté par la "reine primipare" est transformée en attente d'un roi céleste ou encore d'un "oint davidique" envoyé par Dieu. Ce roi "fils de Dieu" céleste attendu devra avoir une origine divine. Les Septante (LXX) vont traduire la "alma/reine primipare" ou encore "jeune fille" par "parthenos/la Vierge". Nos Evangiles écrivant en grec et utilisant la Bible en grec, vont trouver cette traduction par "parthenos" et l'appliqueront au Christ et à la Vierge Marie.  
(RELECTURE 2)
Le Nouveau Testament relit la version LXX de Is 7.

La Vierge Marie

Lc 1,26.27
L'ange Gabriel fut envoyé par Dieu... à une vierge fiancée à un homme du nom de Joseph
Lc 1,34
Comment cela se fera-t-il puisque je ne connais point d'homme  ?
On pourra lire le Protévangile de Jacques dans les écrits apocryphes chrétiens de la Pléiade p.89.90.
La perspective inéluctable de l'invasion assyrienne permet de comprendre pourquoi Juda, au lieu de faire corps avec les petits royaumes d'alentour pour résister à l'Assyrie, choisit de faire alliance avec l'envahisseur. Peut-être sera-t-il épargné ? 
C'est dans ce contexte de compromissions politiques et religieuses, contexte de grande insécurité, que les oracles d'Isaïe ont vu le jour et ont été recueillis par ses disciples.

Ce texte sera traduit en grec au III° siècle avant JC (Septante).
Il sera repris par les évangélistes et la Tradition chrétienne.

En bref... le livret de l'Emmanuel

Isaïe voit dans l'alliance d'Achaz avec l'Assyrien un manque de foi en YHWH. Il dénonce cette politique à court terme : le roi cède à la peur et est incapable de se fier à autre chose qu'à des résultats immédiats. Où donc est sa foi ? YHWH n'est-Il pas l'unique valeur sûre ?
Déçu de la politique d'Achaz, Isaïe reporte ses espoirs sur le jeune dauphin : Ezéchias  qu'il nomme : "l'Emmanuel", "Dieu avec nous".
De fait, Ezéchias apporte une espérance : il commence une réforme afin de rassembler le peuple autour de la foi en YHWH. Mais, lui aussi cède à la peur, car les Assyriens sont partout dans le pays... Aussi, décide-t-il de faire alliance avec l'Egypte !
Une fois encore, Isaïe est déçu. Et même si, en (-701), Jérusalem est miraculeusement épargnée, la foi en YHWH semble se diluer avec d'autres croyances et le miracle risque d'enfermer le peuple et ses chefs dans la foi du premier Seuil, où conversion et réussite vont de pair : "Si YHWH a épargné Jérusalem, c'est bien la preuve que nous sommes justes !"

A partir du prophète Isaïe, toute une théologie se déploie :
- Jérusalem, Sion, est choisie par Dieu. 
- La dynastie royale, issue de David, est elle aussi élue par Dieu.
- C'est YHWH qui est roi, qui règne alors même que les apparences disent le contraire. C'est lui qui est maître de l'histoire. YHWH est saint, transcendant, séparé... Il a un plan sur l'histoire et le monde qui échappe à son peuple.
- Seule la vraie foi permet de voir cela. Cette foi, si elle fait une lecture de l'histoire, discerne, au-delà des événements, la royauté, la sainteté du Seigneur.
- Le règne de Dieu ne peut se contrôler par des signes purement extérieurs ; il n'est pas visible humainement. Ce sont les yeux de la foi qui peuvent reconnaître l’œuvre de Dieu dans le monde et l'histoire. (2ème et 3ème Isaïe 40 à 66)
L'annonce de Jésus et Jésus lui-même se situent dans cette théologie.
Il n'est pas étonnant, dès lors, que le texte sur l'Emmanuel, enfanté par la jeune fille (traduction de la Septante), ait été repris et appliqué à Jésus et à la Vierge Marie. De fait, les chrétiens voient dans ce texte l'annonce de la naissance virginale de Jésus. Mais une telle affirmation suppose la foi en la création ex-nihilo et en la résurrection, ce qui n'arrivera qu'au II° siècle avant Jésus Christ.

Les publications de référence :

Les Seuils de la Foi

Editions Parole et Silence et Université Catholique de Lille

En savoir plus
Le blasphème de JésusLe blasphème de Jésus
Les fondements bibliquesLes fondements bibliques
Entrer dans la foi avec la BibleEntrer dans la foi avec la Bible
Autre publication du père Jacques Bernard
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