Verset(s) de la Bible 2 S 12

 
(12,1)  Yahvé envoya le prophète Natân vers David. Il entra chez lui et lui dit: "Il y avait deux hommes dans la même ville, l'un riche et l'autre pauvre.
(12,2)  Le riche avait petit et gros bétail en très grande abondance.
(12,3)  Le pauvre n'avait rien du tout qu'une brebis, une seule petite qu'il avait achetée. Il la nourrissait et elle grandissait avec lui et avec ses enfants, mangeant son pain, buvant dans sa coupe, dormant dans son sein: c'était comme sa fille.
(12,4)  Un hôte se présenta chez l'homme riche qui épargna de prendre sur son petit ou gros bétail de quoi servir au voyageur arrivé chez lui. Il vola la brebis de l'homme pauvre et l'apprêta pour son visiteur."
(12,5)  David entra en grande colère contre cette homme et dit à Natân: "Aussi vrai que Yahvé est vivant, l'homme qui a fait cela est passible de mort!
(12,6)  Il remboursera la brebis au quadruple, pour avoir commis cette action et n'avoir pas eu de pitié."
(12,7)  Natân dit alors à David: "Cet homme, c'est toi! Ainsi parle Yahvé, Dieu d'Israël: Je t'ai oint comme roi d'Israël, je t'ai sauvé de la main de Saül,  
Bible de Jérusalem (éd.1975)

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Ce tableau permet de situer la genèse d'un texte biblique (Mémoire, Écriture, Relecture) dans un contexte
de religions environnantes, seuil par seuil, dans des expressions de foi situées.
Religions environnantesSeuilExpressions de la FoiGenèse du texte
 
  La religion mésopotamienne 1 Les dieux du ciel - Aux origines MEMOIRE 1  
  La religion égyptienne Patriarches - Le semi-nomadisme    
  La religion d'Ugarit Assimilation/rejet - Immigration    
 Début de l'écriture biblique
    - VIIIe siècle Le Baal syro-phénicien 2 Luttes contre Baal - Royaumes unifiés    
    - VIIe siècle Le Marduk assyrien Trahison du frère - Chute de Samarie    
L'Alliance - Le Temple de Josias    
    - VIe siècle Le Marduk babylonien Hénothéisme - L'Exil    
    - Ve siècle
- IVe siècle
Mazdéïsme perse Monothéismes d'Alliance    
Prêtres et Légistes - Second Temple    
Courant apocalyptique    
    - IIIe siècle L'Hellénisme égyptien Hellénisation - Alexandre    
    - IIe siècle L'Hellénisme syrien Persécutions - Antiochus IV    
    L'Hellénisme syrien Séparation des Asmonéens - Esséniens    
    - Ier siècle Rome La foi dans un Judaïsme éclaté    
 
    de 0 à 33 Judaïsme officiel et apocalyptique sous domination romaine 3 Jésus, irruption d'un nouveau monde    
Jésus et le Temple    
Jésus et la Torah    
Jésus et la Pâque    
 Premiers écrits du Nouveau Testament
    de 33 à 70 Judaïsme officiel 4 A Jérusalem    
Missions Judéo-chrétiennes    
En Samarie    
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A Rome    
A Ephèse    
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Des Victorins aux Scholastiques    
 
 

Les mémoires d'un David au temps d'Achab dans la Bible de Josias

(12,1)  Yahvé envoya le prophète Natân vers David. Il entra chez lui et lui dit: "Il y avait deux hommes dans la même ville, l'un riche et l'autre pauvre. Le prophète Natan parle en parabole, comme une prophète de cour qui prend le risque de faire, à mots couverts, des reproches au Roi. On est donc dans un contexte de cour installée, plus proche de ce qui se vivait au 8°s, au temps de Josias, qu'au temps où David guerroyait dans les marches du désert au 10°s. Derrière cette parabole, est visée la situation au temps d'Achab : richesse des tribus du Nord  et pauvreté de celles du Sud.  
(12,2)  Le riche avait petit et gros bétail en très grande abondance. 
(12,3)  Le pauvre n'avait rien du tout qu'une brebis, une seule petite qu'il avait achetée. Il la nourrissait et elle grandissait avec lui et avec ses enfants, mangeant son pain, buvant dans sa coupe, dormant dans son sein: c'était comme sa fille.  La parabole fait penser à l'histoire de Naboth (1 R 21), le pauvre qui voulait sauver la terre de ses pères et est mis à mort par Jézabel pour réaliser les envies d'Achab à la manière dont agissaient les rois adeptes du Baal.
La scène du péché de David tuant l'époux de Bethsabée pour se l'approprier et celle d'Achab causant le meurtre de Naboth pour agrandir son domaine sont construites de la même manière : péché, intervention du prophète, punition. Les deux récits font partie de la rétrospective de l'histoire faite par Josias (7°s). Dans l'histoire d'Achab, c'est Elie qui vient sermonner le roi. Dans l'histoire de David c'est le prophète Nathan, un de ses prédécesseurs d'Elie dans la tradition des prophètes. Josias met l'histoire d'Elie au sommet de l'histoire de la royauté, à la charnière entre le 1° et le 2° livre des rois pour inculquer à son peuple la lutte contre le Baal. Il met l'histoire de David en tête de l'histoire des rois, pour donner à sa dynastie des origines suffisamment anciennes pour faire l'unité des 12 tribus réunies depuis la chute de Samarie (-722). Le récit de la parabole se poursuit. 
(12,4)  Un hôte se présenta chez l'homme riche qui épargna de prendre sur son petit ou gros bétail de quoi servir au voyageur arrivé chez lui. Il vola la brebis de l'homme pauvre et l'apprêta pour son visiteur."
(12,5)  David entra en grande colère contre cette homme et dit à Nathan: "Aussi vrai que Yahvé est vivant, l'homme qui a fait cela est passible de mort! 
(12,6)  Il remboursera la brebis au quadruple, pour avoir commis cette action et n'avoir pas eu de pitié."
(12,7)  Nathan dit alors à David: "Cet homme, c'est toi!" Nathan a réussi à faire que ce soit David qui dénonce son propre péché. Il se reconnaît alors derrière l'homme riche de la parabole. Qui a écrit cette parabole? A y regarder de plus près, on remarque que David, au ch.11 qui raconte son péché, est installé dans un palais. Nous n'avons plus affaire au David du 11°s., policier du désert vendant ses services au plus offrant (1 S 22-26), qu'il soit philistin ou semi-nomade, mais à un David du 9°s., annexé à la cour d'Achab tel que le roi Josaphat au temps d'Achab (-850), installé dans son palais (Un mur du palais de David découvert à Jérusalem montre une structure architecturale similaire à celle du palais de Samarie). Le récit parle donc d'un David tel que les contemporains de Josias (-640) en imaginaient les mémoires 2 siècles auparavant. David est représenté comme restant au palais tandis que son armée est à la guerre contre les Ammonites, à la manière dont Achab reste à dormir quand Jézabel tue Naboth.  Le meurtre est fait dans l'un et l'autre cas par une personne autre que le roi. Pourtant dans l'un et l'autre cas, le roi a sa lourde part de responsabilité et c'est cette part que lui reprochent Elie ou Nathan.
La faute aura sa punition : Dans l'histoire du péché de David ce sera la mort du premier enfant de Bethsabée (2 S 12,14). Dans l'histoire de Naboth ce sera l'annonce du malheur pour la lignée d'Achab(1 R 21,21-22). Cette annonce du malheur pour le riche pays du Nord se réalisera avec la chute de Samarie en -721.
Pour celui qui écrit cette parabole à la cour de Josias, enraciner la royauté du Sud dans les mémoires communes du Nord et du Sud en remontant jusqu'au David, a pour but de sacraliser la nouvelle dynastie en remontant jusqu'à sa source.
Mais l'intervention du prophète Nathan a un autre intérêt. Elle démarque le royaume du Sud de la trahison opérée par son roi Achaz (2 R 16,10) qui, par son Alliance avec Téglat Phalasar, a amené la chute de Samarie et la fin du Royaume du Nord. Dans notre récit, cette trahison est comme excusée : elle a seulement permis la réalisation de la punition annoncée par Elie contre Achab et par Nathan contre David pour un péché similaire. La trahison d'Achaz a ainsi trouvé sa justification : Elle a été l'instrument de la punition divine exercée par YHWH contre la lignée d'Achab.
La condamnation par David de la turpitude de l'homme riche dans la parabole, contribue de la même manière à déculpabiliser la dynastie davidique de la trahison fratricide d'Achaz.


 

Retrospective des mémoires de Saül et de David au temps de Josias

"Ainsi parle Yahvé, Dieu d'Israël: Je t'ai oint comme roi d'Israël, je t'ai sauvé de la main de Saül, Le péché de David consiste à n'avoir pas correspondu aux bienfaits de Dieu : Cela valait pour le David du désert à qui les tribus du Nord après la mort de Saül au Gelboé avaient fait allégeance. Cela valait aussi pour le successeur de David Ezéchias :  depuis la chute de Samarie, le nouveau David Ezéchias et bientôt Josias verraient l'afflux des réfugiés du Nord multiplier par 10 la population de Jérusalem. Les 12 tribus étaient enfin réunies dans cette royauté donnée par Dieu. Israël désignait désormais le royaume unique résultant de la réunion du Nord et du Sud. Il ne restait plus à Josias qu'à antidater cette unité à la période de l'ancêtre David policier du désert.
(12,8)  Je t'ai livré la maison de ton maître Au terme de la lutte contre Saül et après sa mort, le Nord entre sous la tutelle de David. Et plus récemment, après la chute de Samarie (-722), au terme de lutte contre Sennachérib (-701), le Nord se réfugie dans le Sud.
J'ai mis dans tes bras les femmes de ton maître, je t'ai donné la maison d'Israël et de Juda et, si ce n'est pas assez, j'ajouterai pour toi n'importe quoi. Cette fois, c'est bien le temps du David policier du désert qui est évoqué, avec ses sept femmes lors de sa première royauté sur Hebron (2 S 2-9)

(12,9)  Pourquoi as-tu méprisé Yahvé et fait ce qui lui déplaît? Tu as frappé par l'épée Urie le Hittite, sa femme tu l'as prise pour ta femme, lui tu l'as fait périr par l'épée des Ammonites. On est là dans les mémoires du David chef de guerre, assez voisines des mémoires du meurtre de Naval pour prendre sa femme (1 S 25) avant que ces histoires ne soient relues dans  le contexte de l'Alliance avec le Nord et des compromissions avec le Baal au temps de Yoram et d'Athalie (2 R 8,18). 
(12,10)  Maintenant l'épée ne se détournera plus jamais de ta maison, parce que tu m'as méprisé et que tu as pris la femme d'Urie le Hittite pour qu'elle devienne ta femme. 
(12,11)  "Ainsi parle Yahvé: Je vais, de ta propre maison, faire surgir contre toi le malheur. Je prendrai tes femmes sous tes yeux et je les livrerai à ton prochain, qui couchera avec tes femmes à la vue de ce soleil. 
(12,12)  Toi, tu as agi dans le secret, mais moi j'accomplirai cela à la face de tout Israël et à la face du soleil!" 
(12,13)  David dit à Natân: "J'ai péché contre Yahvé!" Alors Natân dit à David: "De son côté, Yahvé pardonne ta faute, tu ne mourras pas. 
(12,14)  Seulement, parce que tu as outragé Yahvé en cette affaire, l'enfant qui t'est né mourra." 
(12,15)  Et Natân s'en alla chez lui. Yahvé frappa l'enfant que la femme d'Urie avait donné à David, et il tomba gravement malade. 
(12,16)  David implora Dieu pour l'enfant: il jeûnait strictement, rentrait chez lui et passait la nuit couché sur la terre nue. 
(12,17)  Les dignitaires de sa maison se tenaient debout autour de lui pour le relever de terre, mais il refusa et ne prit avec eux aucune nourriture. 
(12,18)  Le septième jour, l'enfant mourut. Les officiers de David avaient peur de lui apprendre que l'enfant était mort. Ils se disaient en effet: "Quand l'enfant était vivant, nous lui avons parlé et il ne nous a pas écoutés. Comment pourrons-nous lui dire que l'enfant est mort? Il fera un malheur!" 
(12,19)  David s'aperçut que les officiers chuchotaient entre eux, et il comprit que l'enfant était mort. David demanda à ses officiers: "L'enfant est-il mort", et ils répondirent: "Oui." 
(12,20)  Alors David se leva de terre, se baigna, se parfuma et changea de vêtements. Puis il entra dans le sanctuaire de Yahvé et se prosterna. Rentré chez lui, il demanda qu'on lui servît de la nourriture et il mangea. 
(12,21)  Ses officiers lui dirent: "Que fais-tu là? Tant que l'enfant était vivant, tu as jeûné et pleuré, et maintenant que l'enfant est mort, tu te relèves et tu prends de la nourriture!" 
(12,22)  Il répondit: "Tant que l'enfant était vivant, j'ai jeûné et j'ai pleuré, car je me disais: Qui sait? Yahvé aura peut-être pitié de moi et l'enfant vivra. 
(12,23)  Maintenant qu'il est mort, pourquoi jeûnerais-je? Pourrais-je le faire revenir? C'est moi qui m'en vais le rejoindre, mais lui ne reviendra pas vers moi." 
(12,24)  David consola Bethsabée, sa femme. Il alla vers elle et coucha avec elle. Elle conçut et mit au monde un fils auquel elle donna le nom de Salomon. Yahvé l'aima 
(12,25)  et le fit savoir par le prophète Natân. Celui-ci le nomma Yedidya, suivant la parole de Yahvé. 
(12,26)  Joab donna l'assaut à Rabba des Ammonites et il s'empara de la ville royale. 
(12,27)  Joab envoya alors des messagers à David pour dire: "J'ai attaqué Rabba, je me suis emparé de la ville des eaux. 
(12,28)  Maintenant, rassemble le reste de l'armée, dresse ton camp contre la ville, pour que ce ne soit pas moi qui conquière la ville et lui donne mon nom." 
(12,29)  David rassembla toute l'armée et alla à Rabba, il donna l'assaut à la ville et s'en empara. 
(12,30)  Il enleva de la tête de Milkom la couronne qui pesait un talent d'or; elle enchâssait une pierre précieuse qui devint l'ornement de la tête de David. Il emporta le butin de la ville en énorme quantité. 
(12,31)  Quant à sa population, il la fit sortir, la mit à manier la scie, les pics ou les haches de fer et l'employa au travail des briques; il agissait de même pour toutes les villes des Ammonites. David et toute l'armée revinrent à Jérusalem. 

Les publications de référence :

Les Seuils de la Foi

Editions Parole et Silence et Université Catholique de Lille

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