Verset(s) de la Bible Jg 5

Ce 5ème chapitre du livre des Juges est un cantique d'action de grâce.
Que célèbre-t-il ? Et d'où vient-il ? Dans quel contexte a-t-il pu naître ? 

Le commentaire verset par verset permettra de percevoir derrière des allures archaïques, la foi des tribus lorsqu'elles s'installent en terre de Canaan : ses liens et connivences avec les croyances cananéennes en même temps que certains traits caractéristiques de la foi de l'Israël ancien... premiers balbutiements de la foi biblique ?

Voir le commentaire après le tableau.

Le cantique de Débora

(5,1)  En ce jour-là, Débora et Baraq, fils d'Abinoam, chantèrent, disant :
(5,2)  Puisqu'en Israël des guerriers ont dénoué leur chevelure, puisque le peuple s'est offert librement, bénissez Yahvé !
(5,3) Ecoutez, rois ! Prêtez l'oreille, princes ! Moi, pour Yahvé, moi je chanterai. Je célébrerai Yahvé, Dieu d'Israël. 
Bible de Jérusalem (éd. 1975)

Pour voir le texte biblique complet de Jg 5

Consulter aussi
les commentaires de (Jg 4

la structure littéraire de l'ensemble (Structure littéraire Jg 4-5) 

(Les fondements bibliques, pages 93-95, 98, 129-130, 140)

Ce tableau permet de situer la genèse d'un texte biblique (Mémoire, Écriture, Relecture) dans un contexte
de religions environnantes, seuil par seuil, dans des expressions de foi situées.
Religions environnantesSeuilExpressions de la FoiGenèse du texte
 
  La religion mésopotamienne 1 Les dieux du ciel - Aux origines    
  La religion égyptienne Patriarches - Le semi-nomadisme    
  La religion d'Ugarit Assimilation/rejet - Immigration    
 Début de l'écriture biblique
    - VIIIe siècle Le Baal syro-phénicien 2 Luttes contre Baal - Royaumes unifiés MEMOIRE 1  
    - VIIe siècle Le Marduk assyrien Trahison du frère - Chute de Samarie    
L'Alliance - Le Temple de Josias ECRITURE 1  
    - VIe siècle Le Marduk babylonien Hénothéisme - L'Exil    
    - Ve siècle
- IVe siècle
Mazdéïsme perse Monothéismes d'Alliance    
Prêtres et Légistes - Second Temple    
Courant apocalyptique    
    - IIIe siècle L'Hellénisme égyptien Hellénisation - Alexandre RELECTURE  
    - IIe siècle L'Hellénisme syrien Persécutions - Antiochus IV    
    L'Hellénisme syrien Séparation des Asmonéens - Esséniens    
    - Ier siècle Rome La foi dans un Judaïsme éclaté    
 
    de 0 à 33 Judaïsme officiel et apocalyptique sous domination romaine 3 Jésus, irruption d'un nouveau monde    
Jésus et le Temple    
Jésus et la Torah    
Jésus et la Pâque    
 Premiers écrits du Nouveau Testament
    de 33 à 70 Judaïsme officiel 4 A Jérusalem    
Missions Judéo-chrétiennes    
En Samarie    
En Syrie    
A Rome    
A Ephèse    
 La tradition patristique
    + 135 Judéo-christianisme   Les Pères apostoliques    
Les Pères d'Orient    
Les Pères d'Occident    
Les Pères du désert    
Des Victorins aux Scholastiques    
 
Jg 5 Le chant de Débora est introduit par un récit qui resitue la bataille de Débora dans le cadre des récits fondateurs de la guerre sainte, dans la théologie de Josias (Jg 4).
On est dans la ligne des récits de Gédéon (Jg 6) ou encore de la geste d'Elie au temps d'Achab. Ces textes font mémoire des premières luttes contre le Baal au temps de l'installation des tribus, dans le cadre de l'Assimilation/rejet qui va donner ses lettres de noblesse à la guerre sainte dans le cadre de l'histoire du salut (+1).
Aucune tribu du Sud n'est mentionnée, on est donc avant la monarchie.

Le Chant de Débora

(5,1)  En ce jour-là, Débora et Baraq, fils d'Abinoam, chantèrent, disant :  
Débora - dont le nom signifie "abeille" - (entre le nord de Jérusalem et Béthel) et Baraq - dont le nom signifie éclair - (tout au nord à Haçor) célèbrent et raconte une victoire :  les tribus du Nord se sont regroupées derrière eux.
(5,2)  Puisqu'en Israël des guerriers ont dénoué leur chevelure, puisque le peuple s'est offert librement, bénissez Yahvé !  Le vieux rite de guerre des cheveux dénoués, symbole du soleil, arboré par les guerriers volontaires, préside à la bénédiction liturgique (les cheveux dénoués symbolisent le soleil dans le culte de Baal (+2)).  Les guerriers déploient la force du Baal en se portant volontaires.
(5,3) Ecoutez, rois ! Prêtez l'oreille, princes ! Moi, pour YHWH, moi je chanterai. Je célébrerai YHWH, Dieu d'Israël. Invitation liturgique.

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(+1)
On en aurait une autre illustration dans le récit des guerres de David et de son péché (2 S 11) qui rappelle de manière claire le temps où Achab (9°s) avait fait alliance avec le Sud en donnant au roi la fille de Jézabel, Athalie. Tous ces récits opposés au Baal ont été regroupés dans les mémoires et ont servi à étayer l'histoire du salut qui trouve son aboutissement dans l'unification du Nord et du Sud autour de Jérusalem et de son Temple au temps de Josias (7°s).

Comme après l'Exode (Ex 15) un chant vient célébrer les hauts faits de Dieu pour son peuple. C'est la signature du rédacteur de Josias qui a introduit par son propre récit (Jg 4) le chant qui va suivre. Mais ce chant emprunte à des mémoires très anciennes. Il est écrit dans un hébreu archaïque très voisin du (Ps 68) qui est un des plus vieux psaumes du Nord.
Ce schéma de récit sera repris par Josias en (Jg 4), en (Ex 14) pour le passage de la Mer et en (Jos 3) pour le passage du Jourdain. L'unification se fait autour de l'identité de Yahvé, à l’œuvre dans les trois récits. On notera qu'il vient d'Edom (Jg 5,4), faisant ainsi le lien avec le Sinaï.

(+2)
Les cheveux dénoués symbolisent la force du soleil en plein rayonnement. C’est le même symbolisme dans le récit de Samson, hellénisé ultérieurement et très tardivement, selon le mythe d’Héraclès.
Cf. Thomas Römer, Paris, Seuil, 2014, "L'invention de Dieu", p.58s. L'auteur y fait le parallèle entre (Jg 5,4-5) le (Ps 68,8-9) qui est un psaume du Nord rappelant les origines de la foi d'Israël et Habaquq (Ha 3,3). YHWH y est décrit comme Dieu de l'orage et de la guerre ayant son origine dans les steppes autour du pays d'Edom, au Sud du pays de Juda.   
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on comparera Jg 5,4-5 avec le Ps 68,8-9. Ce psaume fait partie des Psaumes du Nord (Ps 42-83 appelé autrefois psautier Elohiste) avant le regroupement à Jérusalem (sous Ezéchias peut être mais sûrement sous Josias), des anciennes traditions du Nord, après la chute de Samarie (-722)

Le combat de YHWH

(5,4)  YHWH, quand tu sortis de Séïr, quand tu t'avanças des campagnes d'Edom, la terre trembla, les cieux se déversèrent, les nuées fondirent en eau. Ce sont les tribus du Nord qui font la guerre et pourtant le Dieu invoqué est celui du désert dans le sud : Seïr et Edom. Les autochtones vont-ils abandonner le dieu Baal pour ce Dieu du désert qu'apportent les semi-nomades qui se rappellent l’antique marche au désert des tribus de leurs ancêtres ? Et ce Dieu des ancêtres du désert est bien plus fort que Baal puisque c'est lui qui fait trembler la terre comme en temps d'orage et ouvre les écluses du ciel.(+1)

(5,5) Les montagnes ruisselèrent devant Yahvé, celui du Sinaï, devant Yahvé, le Dieu d'Israël.  Le Dieu des Pères, le Dieu du Sinaï, était entouré de tonnerre. Il peut donc rivaliser avec le Baal, comme l'avait fait Elie avec le feu qui s'était abattu sur l'autel du Carmel. C'est ce même Dieu du Sinaï qui joue au Baal : tremblement de terre, trombes d’eau et les montagnes (haut lieux) fondent devant le YHWH du Sinaï, le Dieu d’Israël. Les troupes de Siséra vont croire que Baal est avec eux et sortir au combat avec leurs chars.
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(+1)
Thomas Römer, "L'invention de Dieu", 2014, p.66-70 précise cette figure de YHWH comme Dieu de l'orage et de la guerre (comme Hadad ou Baal), un dieu des steppes (comme le dieu Seth égyptien qui est aussi un dieu des steppes).
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Le point de départ du conflit est sans doute un profond sentiment d'écrasement. Les rois cananéens pratiquaient, du haut de leurs palais situés sur la montagne, une espèce de féodalité sacrale. Comme rois, ils étaient les représentants du dieu, et tout le culte se déroulait dans le Gan (jardin) qui entourait le palais. Seuls ces rois pouvaient posséder les chars de guerre. De sorte qu'ils tenaient à leur merci les paysans de la plaine, obligés, en cas de pillage effectué par des nomades, de se réfugier dans le palais fortifié du roi. De plus, comme représentants des dieux, les rois avaient aussi tout pouvoir sur les récoltes et leurs cultivateurs. Détenteurs du mythe et organisateurs du culte, ce sont eux qui pouvaient organiser les cérémonies susceptibles de se concilier la fécondité divine, comme les cultes agraires (+1).

Origine du conflit

(5,6)  Aux jours de Shamgar fils d'Anat, aux jours de Yaël, il n'y avait plus de caravanes ; ceux qui s'en allaient par les chemins prenaient des sentiers détournés. Yaël, femme de Héber le Qénite (Jg 4,17), était alliée avec le roi de Haçor. Mais cette alliance devait être contrainte par la loi du plus fort puisque c'est elle qui va tuer Siséra (Jg 4,21). Les tribus du Nord sous domination de Haçor et les tribus du Sud doivent se cacher pour mener leur action commune.

(5,7)  Les villages étaient morts en Israël, ils étaient morts, jusqu'à ton lever, ô Débora, jusqu'à ton lever, mère en Israël ! Tout espoir de révolte était interdit jusqu'à ce que Débora, au sud du pays, arrive par des sentiers et des chemins détournés à faire la jonction avec les tribus du Nord pour encercler Siséra entre le Carmel et le Thabor.

(5,8)  On choisissait des dieux nouveaux, alors la guerre était aux portes ; on ne voyait ni bouclier ni lance pour 40 milliers en Israël !  Débora met fin au désarroi qui régnait dans un peuple qui hésitait entre les dieux. Les autochtones ne croient plus à leurs dieux cananéens et connaissent mal le dieu des semi-nomades qui viennent du Sinaï. La guerre est aux portes et l'on est sans armes, sans boucliers pour affronter les chars du palais au sommet de la colline.
De même que YHWH remplace Baal dans la guerre, Débora remplace Astarté. On n’a donc plus besoin de Baal ni de sa parèdre (+2).
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(+1)
Nous pouvons voir ces cultes interdits dès le code yahviste d'(Ex 34) (un des plus anciens codes, sinon le plus ancien), de même en (Ex 22,17-19), (Am 2,7-10) et (Dt 12,31). Le conflit paraît donc autant social que religieux, sans que l'on puisse dire avec certitude ce qui a prévalu.

(+2)
Sur le contexte d'hostilité entre les cananéens installés et les Shasou en marge du pouvoir mais que le Pharaon Merneptah autorise à séjourner en Egypte avec leurs troupeaux on lira Jacques Briend, Israël et Juda vus par les textes du Proche Orient ancien, Paris Cerf 1980 p.38 (cité par Thomas Römer, "L'invention de Dieu, 2014, p.56s). Les Shasou sont dans le territoire d'Edom, de Séïr et de la Araba au moment de la transition entre le bronze récent et l'âge du fer. Parmi ces Shasou se trouvait peut-être un groupe dont le dieu tutélaire s'appelait Yah. 

Cette polémique tomberait bien au temps de Achab et Jézabel. On retrouve ce rôle funeste de la femme, à la même époque, avec Dalila qui mutile Samson de ses cheveux ou encore avec la femme qui, au temps où David joue au roi cananéen avec Bethsabée, a lancé la meule sur Yerubbaal (alias Gédéon, le vainqueur du Baal) (2 S 12,21).
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Le partage du butin

(5,9)  Mon cœur va aux chefs d'Israël, avec les libres engagés du peuple ! Bénissez Yahvé !
(5,10)  Vous qui montez des ânesses blanches, assis sur des tapis, et vous qui allez par les chemins, chantez,
(5,11)  aux acclamations des pâtres, près des abreuvoirs. Là on célèbre les bienfaits de Yahvé, ses bienfaits pour ses villages d'Israël ! (Alors le peuple de Yahvé est descendu aux portes.) Le temps de paix revenu avec ses tapis et ses ânesses blanches. On est encore en civilisation tribale et tout le monde est convoqué à la liturgie du rassemblement des tribus guerrières qui se déclareront parentes avant de se quitter et de repartir chacun chez soi.
(5,12)  Eveille-toi, éveille-toi, Débora ! Eveille-toi, éveille-toi, clame un chant ! Courage ! Debout, Baraq ! et prends ceux qui t'ont pris, fils d'Abinoam ! C'est alors le partage du butin. On chante cette grâce donnée par Yahvé, le dieu du Sud. Grâce donnée aux villages morts, mais qui se sont réveillés à l'appel de Débora. Qu'ils s'éveillent maintenant pour chanter la victoire.
Il n'y a de butin que pour les tribus du Nord.
(MEMOIRE 2)
On remarque que Zabulon et Nephtali sont aussi mentionnés dans le Ps 68,28, psaume archaïque tout à la louange des tribus du Nord. Ce Ps a été réutilisé dans le regroupement opéré par Ezéchias puis plus tard dans le temple de Josias. C'est alors que les louanges adressées au Nord vont être célébrées dans le Sud, mais non sans dénoncer les tribus du Sud qui n'étaient pas présentes dans le combat victorieux de Déborah (+1).

On se généalogise des parentés

(5,13)  Alors Israël est descendu aux portes, le peuple de Yahvé est descendu pour sa cause, en héros 
(5,14)  Les princes d'Ephraïm sont dans la vallée. Derrière toi Benjamin est parmi les tiens. De Makir sont descendus des chefs, de Zabulon, ceux qui portent le bâton de commandement.  
(5,15)  Les princes d'Issachar sont avec Débora, et Nephtali, avec Baraq, dans la vallée s'est lancé sur ses traces. Dans les clans de Ruben, on s'est concerté longuement.  Derrière Débora il y a ses tribus d’Ephraïm et de Benjamin. En montant à la rencontre de Baraq, elle enrôle Makir et Issachar en plus de Zabulon et Nephtali que Baraq avait déjà ralliés.
Seules les tribus du Nord sont présentes. (+2)
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(+1) Cf Thomas Römer, Invention, p.62
(+2) Ceci, ajouté à la superposition des rôles (et des parèdres) entre YHWH et Baal, interdit de situer cette composition liturgique au temps de Josias qui, lui, a réuni toutes les tribus. On voit d'ailleurs comment il les confond dans le ch. 4 de sa composition. Le Temple de Josias à Jérusalem ne pouvait chanter la gloire des seules tribus du Nord. A plus forte raison le poème ne peut-il être post-exilique car alors, les tribus du Nord sont devenus les samaritains hostiles.
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(MEMOIRE 2)
Ce règlement de compte avec les tribus du Sud non présentes en réponse à l'appel de Déborah font, dans notre texte, une incise qui coupe ce qui était dit de Zabulon aux v. 14 et 18. (+1) 

Dénonciation des absents

(5,16)  Pourquoi es-tu resté dans les enclos à l'écoute des sifflements, près des troupeaux ? (Dans les clans de Ruben, on s'est concerté longuement.)  
(5,17)  Galaad est resté au-delà du Jourdain, et Dan, pourquoi vit-il sur des vaisseaux ? Asher est demeuré au bord de la mer, il habite tranquille dans ses ports.  Il manque les tribus de Transjordanie et du Sud.
(5,18)  Zabulon est un peuple qui a bravé la mort, ainsi que Nephtali, sur les hauteurs du pays. Seul le Nord est louangé ici. Et la bataille se poursuit dans le style des combats de Baal. 
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(+1) Thomas Römer, Invention, p.62. 
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Action de grâces au Dieu vainqueur

(5,19)  Les rois sont venus, ils ont combattu, alors ils ont combattu, les rois de Canaan, à Tanak, aux eaux de Megiddo, mais ils n'ont pas ramassé d'argent en butin.
(5,20)  Du haut des cieux les étoiles ont combattu, de leurs chemins, elles ont combattu Siséra. Les rois cananéens sont venus aux signes de la pluie et du tremblement de terre qu'ils pensaient venir de leur Baal. Or c'était YHWH du Sinaï qui avait tonné. Leurs chars se sont embourbés, et ils n'ont pas ramassé de butin.

(5,21)  Le torrent du Qishôn les a balayés, le torrent des temps anciens, le torrent du Qishôn ! Marche hardiment, ô mon âme !
(5,22)  Alors les sabots des chevaux ont martelé le sol : ils galopent, ils galopent, ses coursiers !  Les étoiles, armées de Baal, ont combattu pour les rois cananéens, et leur aide s’est soldée par un désastre : le Qishon les a balayés. YHWH a définitivement détrôné le Baal.  

Les malédictions

(5,23)  Maudissez Méroz, dit l'Ange de YHWH, maudissez, maudissez ses habitants : car ils ne sont pas venus à l'aide de YHWH, à l'aide de YHWH parmi les héros.  Suivent les bénédictions pour ceux qui sont venus et les malédictions pour ceux qui ne sont pas venus.
(MEMOIRE 2)
Après celui de Débora, il n'y plus qu'à chanter le dernier exploit, celui de Yaël.

Les bénédictions

(5,24) Bénie entre les femmes soit Yaël (la femme de Héber le Qénite), entre les femmes qui habitent les tentes, bénie soit-elle !
Le poème chante l'exploit de Yaël, femme de Héber le Qénite allié de Siséra et de Yavin de Haçor. Ainsi elle se libère du joug de la citadelle de Haçor avec laquelle sa famille était liée. Ceci permet de mesurer la décadence des rois cananéens au moment de l'installation des tribus. On retrouve ces exploits en (Jg 4,17-22) non plus sous la forme de chant mais dans un récit de composition.
(5,25) Il demandait de l'eau, elle a donné du lait, dans la coupe des nobles elle a offert de la crème. (Jg 4,19) 
(5,26) Elle a tendu la main pour saisir le piquet, la droite pour saisir le marteau des travailleurs. Elle a frappé Sisera, elle lui a brisé la tête, elle lui a percé et fracassé la tempe. (5,27) Entre ses pieds il s'est écroulé, il est tombé, il s'est couché, à ses pieds il s'est écroulé, il est tombé. Où il s'est écroulé, là il est tombé, anéanti.  La bénédiction va à Yaël. YHWH a pris les attributs de Baal (orage) pour écraser les rois cananéens. Débora et même Yaël parachèvent avec lui la victoire.
(MEMOIRE 1)(RELECTURE)
On retrouve le partage du butin que l'on avait abandonné pour le schéma de la guerre sainte ou de l'alliance tels que stylisés dans le Deutéronome. Les récit de guerre peuvent être plus anciens ou au contraire faire partie de la légende des tribus à une époque (perse ou grecque) où il n'y a plus de roi.

La déconvenue des adeptes du Baal

(5,28)  Par la fenêtre elle se penche, elle guette, la mère de Siséra, à travers le grillage : "Pourquoi son char tarde-t-il à venir ? Pourquoi sont-ils si lents, ses attelages ?"  
(5,29)  La plus avisée de ses princesses lui répond, et elle se répète à elle-même :  
(5,30)  "Sans doute ils recueillent, ils partagent le butin : une jeune fille, deux jeunes filles par guerrier ! un butin d'étoffes de couleur brodées pour Siséra, une broderie, deux broderies pour mon cou !"  
La femme cananéenne, la mère de Siséra, n’est pas bénie mais moquée avec ses princesses qui croient que le retard de Siséra est dû au butin fait des femmes ennemies et de leurs broderies. On retrouve l'argument du poème : Baal n'a donné aucun butin.
Le rédacteur pose le cadre final qui relie avec le début du poème et surtout avec (Jg 4). 


Epilogue du rédacteur josianique

(5,31)  Ainsi périssent tous tes ennemis, Yahvé ! et ceux qui t'aiment, qu'ils soient comme le soleil quand il se lève dans sa force ! Et le pays fut en repos pendant 40 ans.  Le règne du Baal est momentanément circonscrit. Il y a 40 ans de paix
La victoire de Déborah a-t-elle pour autant communiqué une orientation décisive au mythe ambiant, en substituant YHWH à Baal ? Évidemment non. La conclusion du texte parlera de 40 ans. Au temps de Jérémie, tous les cultes précités seront encore dénoncés par le prophète, signe qu'ils continuent à être pratiqués, malgré les interdits de la Torah (Jr 2,20-24). Peut-on, dès lors, tenter de préciser en quoi la démarche de Débora a été fondamentale, puisqu'elle sera considérée par toute la tradition postérieure comme constitutive de la foi du peuple (avec les exodes de la Mer des roseaux et du Jourdain).
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On peut supposer - et cela se confirmera à travers l'étude des relectures successives - que les différents "Dieux du Père", marqués par la dimension cosmique du dieu "El" cananéen, seront pris en relais par Yahvé. En effet, toutes les parties se réfèrent à lui comme à Celui qui a rendu possible, dans une histoire et des événements concrets et historiques, une orientation nouvelle du mythe du désert par sa victoire momentanée sur celui de Canaan. Cette victoire entraînait une marginalisation, qui aurait dû signifier la mort du groupe... Or, on vivait ! C'est qu'un dieu, ou d'autres dieux, pouvaient rivaliser avec ceux du panthéon mythologique. Et l'"histoire du salut" marquerait de son empreinte le mythe fondateur des tribus, quelles que soient les tentations et les retombées ultérieures.
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Ce vieux cantique célèbre la victoire inespérée de tribus en assimilation-rejet sur un roi de Canaan. Comme nous l'avons vu, une étude précise permet de situer l'événement historiquement et géographiquement. Ce cantique est sans doute un des textes les plus anciens de la Bible qui a pu être gardé soit à Bethel soit à Samarie avant sa chute (-722), mais qui pouvait s'enraciner dans les mémoires anti-baal entre le XI° et le IX° avant JC). 
Le chant est issu du folklore du Nord, parallèle au (Ps 68).

En bref : le cantique de victoire de Déborah

Il s'agit probablement d'une révolte de paysans de la plaine de Yizréel contre un petit roi d'une cité-état au nord de Canaan. Ces paysans se sont coalisés avec d'autres gens, dont des tribus d'origine semi-nomade, en butte, elles aussi, avec le système oppressif cananéen. Ils ont du reconnaître dans la victoire l'action de YHWH contre les forces de Baal et l'adopter : c'est bien YHWH, le dieu des petits et des marginaux qui, contre toute attente, a donné la délivrance ! Ainsi le dieu du désert aurait-il peu à peu fait l'unité entre des paysans opprimés et des gens venus du désert, en train de se sédentariser. (+1)

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(+1)
L'orage, à peine sensible dans le récit de (Jg 4), apparaît ici dans toute sa force. Cependant il n'est plus l'arme cosmique du Baal de Siséra, mais celle de Yahvé. La terre tremble, les cieux frémissent quand Yahvé avance (Jg 5,4)
Comme aux jours de l'Exode, les héros (ou les villages, cf. traduction BJ 5,7) étaient morts en Israël ; le peuple n'avait plus d'issue... Jusqu'à ce que se lève Débora. A l'appel de Débora, tout le peuple est venu (sauf certaines tribus, qui sont ici accusées de n'avoir pas répondu). Alors les rois cananéens sont arrivés aux eaux de Meggido (Jg 5,19) sur le Qishon. Et toutes les forces cosmiques se sont retournées contre Siséra. Elles sont maintenant dans la main de YHWH, et l'orage fait déborder le Qishon. Les chars ennemis sont pris de panique dans le bourbier (Jg 5,21-22).
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Les publications de référence :

Les Seuils de la Foi

Editions Parole et Silence et Université Catholique de Lille

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