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Ce passage de la mer mis en scène par des cinéastes est un des récits bibliques les plus connus.
Les liturgies juives et chrétiennes s'y réfèrent.

Mais qu'y a-t-il derrière ce texte : un événement historique ou un récit imaginaire ? 
Qui en est l'auteur et quand a-t-il été écrit ?
Quelle est la profession de foi qui se dégage de ce texte ?
Enfin, pourquoi fait-il référence pour la foi des juifs et des chrétiens ? 

Le passage de la mer

(14,19)  L'Ange de Dieu qui marchait en avant du camp d'Israël se déplaça et marcha derrière eux, et la colonne de nuée se déplaça de devant eux et se tint derrière eux.
(14,20)  Elle vint entre le camp des Egyptiens et le camp d'Israël. La nuée était ténébreuse et la nuit s'écoula sans que l'un puisse s'approcher de l'autre de toute la nuit.
(14,21)  Moïse étendit la main sur la mer, et Yahvé refoula la mer toute la nuit par un fort vent d'est ; il la mit à sec et toutes les eaux se fendirent.
(14,22)  Les Israélites pénétrèrent à pied sec au milieu de la mer, et les eaux leur formaient une muraille à droite et à gauche...
Bible de Jérusalem (Ed. 1975)

Pour voir le texte biblique complet de Ex 14,19-30.

Voir aussi (Les fondements bibliques, page 264).

 

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Des Victorins aux Scholastiques    
 
Il n'y a pas de traces archéologiques, ni de documents historiques attestant une expulsion ou une fuite d'Egypte.

 - La première mention d’Israël date vers 1220 av JC, sur la stèle de Merenptah. - Les Egyptiens subissent d'importantes migrations de populations venues de l'est : lors des sécheresses, les semi-nomades se réfugient vers les terres arrosées du Delta (cf. textes égyptiens : papyrus Anastasi VI, fin 8ème siècle ; et aussi cf. Gn 12, Gn 41 à 47).-

- Des archives égyptiennes attestent la présence de populations d'esclaves venus de Sichem, notamment pour les monuments grandioses qui nécessitent une main d’œuvre considérable.

- Au XV° siècle av JC, des Hyksos – population sémite - ont pris le pouvoir en Egypte.

- Des semi-nomades sémites migrent entre 1500 et 1100 : des « shosous » éleveurs qui adorent le dieu « Yah » et des « apirous » (= « hébreux » ?)  marginaux, esclaves…
De nombreuses histoires d'aller et de retour en Egypte ont dû être portées dans les « mémoires », avec des itinéraires variés à travers  déserts et marais...  où les chars de la police côtière égyptienne ont pu s'embourber... (Ex 14,21)a.  (+ 1)

La sortie d'Egypte dans les mémoires

(14,19)  L'Ange de Dieu qui marchait en avant du camp d'Israël se déplaça et marcha derrière eux, et la colonne de nuée se déplaça de devant eux et se tint derrière eux.
(14,20)  Elle vint entre le camp des Égyptiens et le camp d'Israël. La nuée était ténébreuse et la nuit s'écoula sans que l'un puisse s'approcher de l'autre de toute la nuit.
(14,21)  Moïse étendit la main sur la mer, et Yahvé refoula la mer toute la nuit par un fort vent d'est ; il la mit à sec et toutes les eaux se fendirent.
(14,22)  Les Israélites pénétrèrent à pied sec au milieu de la mer, et les eaux leur formaient une muraille à droite et à gauche.
(14,23)  Les Egyptiens les poursuivirent, et tous les chevaux de Pharaon, ses chars et ses cavaliers pénétrèrent à leur suite au milieu de la mer.
(14,24)  A la veille du matin, Yahvé regarda de la colonne de feu et de nuée vers le camp des Égyptiens, et jeta la confusion vers le camp des Egyptiens.
(14,25)  Il enraya les roues de leurs chars qui n'avançaient plus qu'à grand-peine. Les Égyptiens dirent : "Fuyons devant Israël car Yahvé combat avec eux contre les Egyptiens !"
(14,26)  Yahvé dit à Moïse : "Étends ta main sur la mer, que les eaux refluent sur les Egyptiens, sur leurs chars et sur leurs cavaliers."
(14,27)  Moïse étendit la main sur la mer et, au point du jour, la mer rentra dans son lit. Les Egyptiens en fuyant la rencontrèrent, et Yahvé culbuta les Egyptiens au milieu de la mer.
(14,28)  Les eaux refluèrent et recouvrirent les chars et les cavaliers de toute l'armée de Pharaon, qui avaient pénétré derrière eux dans la mer. Il n'en resta pas un seul.
(14,29)  Les Israélites, eux, marchèrent à pied sec au milieu de la mer, et les eaux leur formèrent une muraille à droite et à gauche.
(14,30)  Ce jour-là, Yahvé sauva Israël des mains des Egyptiens, et Israël vit les Egyptiens morts au bord de la mer.

Dans un pays ou la sécheresse amène régulièrement la famine, les semi-nomades n'avaient d’autre recours que d’aller mendier le pain là où l’eau coule en abondance, en Egypte présente dans la plaine côtière, ou en Phénicie (Liban actuel) (Gn 42). En Egypte, d'autres dieux faisaient référence et les immigrés devaient payer leur nourriture par du servage. Lorsque le retour au pays était possible, c'était une délivrance ! Le dieu des semi-nomades accompagnait sa tribu dans ces périples, comme la transhumance où, la pluie revenue, les troupeaux retrouvaient la pâture aux frontières de Canaan, ou au bord du Jourdain.
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(+1) 
On a longtemps cru que les villes mentionnées dans le livre de l’Exode pourraient offrir une indication pour dater la sortie d’Egypte ; en effet, Pi-Ramsès a été fondée dans le Delta oriental au début du règne de Ramsès II vers 1290 et elle est abandonnée un peu après 1100. La stèle de Merenptah attestant vers 1220 la présence d'une peuplade appelée "Israël" en Canaan, on en a conclu à une sortie d’Egypte entre 1290 et 1220, sous Ramsès II ou son fils Merenptah. Mais cette hypothèse est peu probable. 
RÖMER Thomas, Moïse, Lui que Yahvé a connu face à face. Beau livre. 2002 Alt  ALBRECHT, Le dieu des pères.
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A l'époque de Josias, vers -620, après que Jérusalem ait été épargnée par Sennachérib de manière inattendue.

La sortie d'Egypte relue au temps de Josias

Pour ne plus payer d’impôt à Sennachérib le roi assyrien, le roi du sud Ezéchias fait alliance avec l’Egypte (2 R 18-20). L’Assyrien écrase l’Egypte et fait le siège de Jérusalem après avoir anéanti la forteresse de Lakish qui la protégeait. Mais devant Jérusalem Sennachérib retourne chez Lui. Jérusalem est sauvée, alors que Samarie dans une démarche analogue avait été vaincue et exilée. Cette victoire après l’écrasement de l’Egypte s’adjoindra aux traditions de bonheur chantant le retour d’Egypte une fois la famine terminée.
A la fin de l'exil, après l'édit de Cyrus -538 annonçant aux exilés qu'ils étaient libres de retourner chez eux.

La sortie d'Egypte à la fin de l'exil à Babylone

Le retour de l‘exil à Babylone (586-538) est relu comme une nouvelle sortie du chaos venant à la suite des anciennes délivrances d’Egypte. On se mit à voir le Dieu d’Israël partageant (Ex 14,21b.22s), comme le dieu de Babylone à la création du monde, les eaux d’en haut et les eaux d’en bas, mais pour y faire passer son peuple à pied sec (Is 51,9s) (cosmogonie babylonienne).
Ex 14 traite de ce qui sera appelé « Exode » quand on traduira la Torah en grec.

La sortie d'Egypte à la période grecque

On appellera toutes les tentatives d’immigration de semi-nomades en Canaan comme, ensuite, tous les retours au pays du nom grec d’« Exode » (sortie).
La tradition juive de l'époque de Jésus commente et se réfère à la sortie d'Egypte, avec des accents différents.
Jésus s'y réfère, plus que cela, il accomplit certains signes et donnent des enseignements qui semblent dire que le temps d'un nouvel Exode est à l’œuvre.

La sortie d'Egypte dans le judaïsme à l'époque de Jésus

Le passage de la mer pour Aqiva se fera en douze chemins, un par tribu. La Torah a été donnée dans le feu et a autant de facettes qu’il y en a dans l’ensemble des douze tribus. Pour Ishmaël au contraire, le passage de la mer se dit en langage d’homme et il suffit d’y voir un fort vent qui a soufflé. Le miracle vient de ce qu’il a soufflé au bon moment. Une interprétation va voir dans ce miracle la réplique de la séparation des eaux au commencement de la création et dans ce cas le fort vent d’est (rouah qadim) sera interprété comme un fort vent des origines (rouah qadmon). Le miracle de l’Exode renvoie au miracle de la création et est aussi mystérieux que lui (tous les miracles sont créés par Dieu misheshet iemey bereshit au 6° jour de la création entre les deux crépuscules). Le lien que l’on fait aujourd’hui entre (Ex 14) et (Gn 1) comme emprunt à la littérature babylonienne (Is 51,9s) est fait dans le judaïsme et le christianisme après lui par le biais du retour à l’originel. Dans le Judaïsme on dira qu’une servante qui a vu le fond de la mer en sait plus sur la Torah de Dieu qu’Ezéchiel dans sa vision du char céleste (Ez 1). Elle a vu en effet le fond de la mer, c’est-à-dire, ce qui est avant la séparation des eaux primordiales ou encore la Torah originelle. 
Jésus multiplie les pains, marche sur l'eau, enseigne sur la montagne... autant de signes qui font penser à un nouvel Exode.  
Pour le chrétien le fond de la mer antérieur à la division des eaux est le Christ (comme le Christ sera l’eau du rocher en (1 Co 10)) et le fort vent « d’est » devenu fort vent « des origines » (Gn 1) ne livrera son mystère abyssal que dans le Christ et sera alors l’Esprit Saint qui soufflait l’amour entre Dieu et le Verbe quand il créait le monde pour être le berceau de l’homme reproduisant comme l’image de Dieu sur terre, la filiation du Verbe dans le Père et l’Esprit Saint.

La sortie d'Egypte chez les chrétiens

Maintenant encore, Seigneur, nous voyons resplendir tes merveilles d'autrefois : jadis, tu manifestais ta puissance en délivrant un seul peuple de la poursuite des Egyptiens ; désormais tu assures le salut de toutes les nations en les faisant renaître à travers les eaux du baptême. Fais que les hommes du monde entier puissent passer de la maison d'esclavage à la terre de liberté, par Jésus, le Christ, notre Seigneur. 
(Oraison de la veillée pascale) 

Le livre de l’Exode porte la trace de relectures : Ex 12 parle d’une expulsion, le reste du livre d'une fuite ; il y a au moins deux récits de vocation de Moïse : (Ex 3) et (Ex 6)… 
Les premiers récits de sortie d’Egypte remontent au VII° siècle. L'époque est marquée par le conflit assyro-égyptien dans lequel le petit royaume de Juda est pris en tenailles, s'alliant tantôt avec l’un, tantôt avec l’autre… Fait inattendu, alors que Jérusalem est assiégée (-701), les Assyriens repartent soudainement chez eux. Le récit de la sortie d’Egypte, s'il s’appuie sur les mémoires ancestrales, est marqué par cet événement miraculeux.
Avec l’exil à Babylone et le retour au pays
, le récit engrange l’expérience des 40-50-60 ans en terre étrangère, le retour inespéré et l'arrivée décevante au pays. Le livre de l’Exode prend une tournure décisive en –400, époque à laquelle il sera pratiquement fixé.
Durant la période grecque, de nouveaux récits de sortie d’Egypte apparaissent, marqués, eux aussi par les événements et les découvertes de foi (cf. Sg 17-18 ; Maccabées, Judith, Esther y font allusion).
Enfin, les auteurs du Nouveau Testament voient l'événement Jésus comme un nouvel Exode
: Jésus n’est-il pas le nouveau Moïse ? (cf. Evangile de Mt), lui qui donne une manne nouvelle (Jn 6) ? Voir aussi la relecture de l’histoire faite en Ac 7,17… et Ac 13, 17…

En bref, la sortie d'Egypte

Ce qui est certain, c’est que les mémoires gardent le souvenir d’allers et venues en Egypte, qui se sont plus ou moins bien passés, de traversées périlleuses du désert, de victoires et d’alliances inattendues avec d’autres tribus… Ces expériences rejoignent celles des paysans révoltés de la plaine de Yzréel… La plupart des historiens s’accordent à penser qu’Israël a deux origines : semi-nomades ayant des souvenir d’Egypte et ceux de Canaan. 
Les tribus immigrées ont gardé en mémoire le souvenir de délivrances opérées par Yahvé. Le Dieu qui a pris soin de nous alors que nous étions faibles, petits, prêts de mourir, opprimés par les puissants… ces allers et retours en Egypte qui se sont plus ou moins bien passés, ces traversées périlleuses du désert, de victoires et d’alliances inattendues avec d’autres tribus… Ces expériences rejoignent celles des paysans révoltés de la plaine de Yzréel… (+1)
EDLF p. 80. 81 : la sortie d’Egypte

en savoir plus
(+1)
L’histoire sainte relate plusieurs itinéraires de traversée du désert par un peuple nombreux (600.000 hommes) dont on n’a retrouvé aucune trace archéologique. Le passage du Qishon (Jg 5) et du Jourdain (Jos 3) y sont reliés dans une même forme littéraire. Quoi qu’il en soit des événements factuels qui ont été à l’origine du récit, il y a bien eu, que ce soit pour les autochtones ou les semi-nomades, passage d’un univers mythologique de type égyptien ou cananéen, dans lequel Dieu se convoque, à une conception semi-nomade du rapport à Dieu, dans laquelle tout se reçoit du Dieu des pères puisque l’on est encore en vie dans le milieu si hostile du désert. C’est que l’on a reçu de Dieu tout ce qu’il faut (man hou= la manne, (Ex 16)) pour y vivre. Voir Thomas RÖMER, Moïse, Lui que Yahvé a connu face à face. Beau livre. 2002 
Les fondements bibliques  p. 124 à 127 : des mémoires d’exodes à l’Exode. P. 133-140 : Et qu’en est-il des héros de l’Exode ? p. 141–142 : Vérité biblique et vérité historique ? 
cf. Alt  A. le dieu des pères. 
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Les publications de référence :

Les Seuils de la Foi

Editions Parole et Silence et Université Catholique de Lille

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