Verset(s) de la Bible Si 24

Nous avons ici un texte clé pour comprendre ce que représente la Torah pour les juifs au temps de Jésus et pour entrer dans certains textes du Nouveau Testament. 

Quelle est la portée de ce texte ?
Et quelle est son actualité ?










Voir le tableau ci-dessous pour les commentaires.

La Sagesse et la Torah donnée par Dieu à Moïse

(24,1)  La Sagesse fait son propre éloge, au milieu de son peuple elle montre sa fierté. 
(24,3)  "Je suis issue de la bouche du Très-Haut et comme une vapeur j'ai couvert la terre. 
(24,4)  J'ai habité dans les cieux et mon trône était une colonne de nuée...
(24,9)  Avant les siècles, dès le commencement, il m'a créée, éternellement je subsisterai...
(24,10)  Dans la Tente sainte, en sa présence, j'ai officié ; c'est ainsi qu'en Sion je me suis établie, 
(24,11)  et que dans la cité bien-aimée j'ai trouvé mon repos, qu'en Jérusalem j'exerce mon pouvoir...
(24,19)  Venez à moi, vous qui me désirez ; et rassasiez-vous de mes produits...
(24,23) Tout cela n'est autre que le livre de l'alliance du Dieu Très-Haut, la Loi promulguée par Moïse, laissée en héritage aux assemblées de Jacob.
Bible de Jérusalem (Ed. 1975)

Pour voir le texte biblique complet de Si 24.

Voir aussi (Les fondements bibliques, pages 72, 201, 287, 333, 352, 354, 388, 444, 475 et 503).
Ce tableau permet de situer la genèse d'un texte biblique (Mémoire, Écriture, Relecture) dans un contexte
de religions environnantes, seuil par seuil, dans des expressions de foi situées.
Religions environnantesSeuilExpressions de la FoiGenèse du texte
 
  La religion mésopotamienne 1 Les dieux du ciel - Aux origines    
  La religion égyptienne Patriarches - Le semi-nomadisme    
  La religion d'Ugarit Assimilation/rejet - Immigration    
 Début de l'écriture biblique
    - VIIIe siècle Le Baal syro-phénicien 2 Luttes contre Baal - Royaumes unifiés    
    - VIIe siècle Le Marduk assyrien Trahison du frère - Chute de Samarie    
L'Alliance - Le Temple de Josias    
    - VIe siècle Le Marduk babylonien Hénothéisme - L'Exil    
    - Ve siècle
- IVe siècle
Mazdéïsme perse Monothéismes d'Alliance MEMOIRE 1  
Prêtres et Légistes - Second Temple    
Courant apocalyptique    
    - IIIe siècle L'Hellénisme égyptien Hellénisation - Alexandre ECRITURE 1  
    - IIe siècle L'Hellénisme syrien Persécutions - Antiochus IV RELECTURE 1  
    L'Hellénisme syrien Séparation des Asmonéens - Esséniens    
    - Ier siècle Rome La foi dans un Judaïsme éclaté    
 
    de 0 à 33 Judaïsme officiel et apocalyptique sous domination romaine 3 Jésus, irruption d'un nouveau monde    
Jésus et le Temple    
Jésus et la Torah RELECTURE 2  
Jésus et la Pâque    
 Premiers écrits du Nouveau Testament
    de 33 à 70 Judaïsme officiel 4 A Jérusalem    
Missions Judéo-chrétiennes    
En Samarie    
En Syrie    
A Rome    
A Ephèse    
 La tradition patristique
    + 135 Judéo-christianisme   Les Pères apostoliques    
Les Pères d'Orient    
Les Pères d'Occident    
Les Pères du désert    
Des Victorins aux Scholastiques RELECTURE 3  
 
Le monothéisme perse de la "lumière/Mazda" est précisé par Isaïe (Is 45,7) puis par le Sacerdotal (Gn 1). Les prophètes de l'Exil lui substituent le monothéisme de la Torah. Ce changement n'a pas été une simple substitution d'un terme par un autre. 

Monothéisme : la Lumière ou l'Alliance ?

(24,1)  La Sagesse fait son propre éloge... 
(24,2)  Dans l'assemblée du Très-Haut elle ouvre la bouche...
(24,3)  Je suis issue de la bouche du Très-Haut
(24,4)  Mon trône était une colonne de nuée
(24,6)  Dans les flots de la mer, sur toute la terre, chez tous les peuple et toutes les nations, j'ai régné.
Ici, la Sagesse est personnifiée et elle émane du Créateur, de l'unique Dieu.
Pour les Perses, le seul principe divin créateur, c'est la lumière (Mazda); les ténèbres sont absence de lumière et la lumière met fin aux ténèbres.
Israël remplace ce monothéisme abstrait par le monothéisme de l'Alliance : le Dieu d'Amour, créateur de la lumière et des ténèbres, du Bien et du mal ((Is 45,7).  (+1)
en savoir plus
(+1)
Cf. l'édition de Qumran. La Bible de Jérusalem, elle, a traduit : "Je fais le bonheur et je crée le malheur".
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Torah préexistante et Sagesse. 
Les Grecs ont, à l'origine de la création, le "Logos" (stoïcien) ou les "idées" de Platon. 
Les Juifs d'Alexandrie mettent la Torah d'Alliance à la place de la Sagesse grecque. Ce n'est pas là une simple substitution. 

Sagesse ou Torah ?

(24,7)  Parmi eux tous j'ai cherché le repos.
(24,8)  Alors le créateur de l'Univers m'a donné un ordre, celui qui m'a créée m'a fait dresser ma tente. Il m'a dit : installe-toi en Jacob, entre dans l'héritage d'Israël.
(24,9)  Avant les siècles dès le commencement, il m'a créée.
(24,10)  Dans la tente sainte, dans sa présence j'ai officié, c'est ainsi qu'en Sion je me suis établie 
(24,11)  et que dans la cité bien-aimée j'ai trouvé mon repos, qu'en Jérusalem j'exerce mon pouvoir. La Sagesse assumée dans la tradition d'Israël n'est pas la sagesse en tant que Logos grec ou idées incorporelles (Philon). Si elle est pré-existante à la création (Si 24,1-6), elle cherche où reposer (Si 24,7) et c'est en Israël qu'elle trouve sa demeure. C'est dire que la Sagesse est celle de la Torah (Si 24,8-11). 

La vraie Sagesse, c'est la Torah donnée à Moïse

(24,12)  Je me suis enracinée dans un peuple plein de gloire.
(24,13)  J'ai grandi comme le cèdre du Liban....
(24,17)  Je suis comme une vigne aux pampres charmants.
(24,19)  Venez à moi vous qui me désirez...
(24,20)  Car mon souvenir est plus doux que le miel.
(24,21)  Ceux qui me mangent auront encore faim, ceux qui me boivent auront encore soif.
(24,22)  Celui qui m'obéit n'aura pas à en rougir et ceux qui font mes œuvres ne pècheront pas.
(24,23)  Tout cela n'est autre que le livre de l'Alliance du Dieu Très-Haut, la Loi promulguée par Moïse, laissée en héritage aux assemblées de Jacob.
La Sagesse reprise par les juifs acquiert tous les privilèges de la Torah (Si 24,12-22), de sorte que la Sagesse n'est plus de l'ordre des "idées" incorporelles ou de "l'âme du monde", elle est une Sagesse incarnée, médiatisée auprès des hommes. C'est comme Sagesse ayant trouvé sa demeure, qu'elle est ce lien, ce médiateur qui unit Dieu aux hommes. Non pas les idées pures ni l'âme du monde, mais la sagesse demeurant en Israël et qui n'est autre que la Torah écrite et même le livre de la Torah (Si 24,23). La médiation c'est le livre. 
Plusieurs textes du Nouveau Testament montrent que Jésus s'est présenté comme la Torah/Sagesse pré-existante. 

Jésus nouvelle Torah

Dans le Sermon sur le montagne, Jésus reprend à son compte en le dépassant tout ce qui est dit de la Torah et de la Sagesse pré-existante. Le prologue de Jean est le grand texte qui exprime cela.
St Irénée qui a connu St Polycarpe, disciple de saint Jean, prolonge l'enseignement de Jean dans le prologue.

Il dit dans le "Traité contre les hérésies" :

St Irénée : Mémorial du Verbe

C'est pourquoi le Seigneur disait : Personne ne connaît le Fils si ce n'est le Père, ni le Père si ce n'est le Fils et tous ceux à qui le Fils le révélera. Il "le révélera", cela n'est pas dit seulement au futur, comme si le Verbe avait commencé à manifester le Père en naissant de Marie. Mais cela vise la totalité du temps. Depuis le commencement, en effet, le Fils, présent à son ouvrage, révèle le Père à tous ceux à qui le Père le veut, quand il veut et comme il veut. 
La Sagesse grecque, à l’époque où le Siracide est écrit (2° siècle av. JC), se présente comme la clé universelle du monde. Beaucoup de juifs, lorsqu'ils rencontrent ces textes sont profondément interrogés dans leur foi : est-ce l’Alliance qui donne sens au monde, ou bien cette sagesse si cohérente et qui semble rendre compte de tout l'univers ?

L'impact est si fort que des textes de sagesse sont intégrés aux Ecritures juives (Proverbes, Qohélet, Siracide...). Chacun tente, à sa manière, de résoudre le défi posé par la philosophie. 

Si 24 est un texte clé qui témoigne d'un passage de foi. 

En bref, la Torah/Sagesse

Le Siracide (Ecclésiastique) fait un passage audacieux : au chapitre 24, il affirme que la Sagesse est préexistante, qu'elle émane de Dieu, qu'elle est créée par lui. Cette sagesse est donnée... à Israël ! Au verset 23, il est précisé que cette sagesse n’est autre que le livre de l’Alliance, la Torah, la Loi promulguée par Moïse, qu'Israël a reçue en héritage. (Entrer dans la Bible, page 204). 

Quelque soit la fascination exercée par la philosophie et la sagesse grecques, c'est dire que la Torah est en définitive la seule vraie sagesse. 

Jésus, par ses actes, ses paroles, se présente comme la nouvelle Torah, la Parole de Dieu cachée dans le ciel et qui se dévoile aux hommes. Le reconnaître tel, c'est reconnaître sa préexistence et son éternité. 

Telle est la confession de foi du prologue de Jn ou l'épître (1 Jn 1) : "Le Verbe s'est fait chair et il a habité parmi nous". Très tôt, Jésus sera appelé "la Sagesse" par les chrétiens.

Les publications de référence :

Les Seuils de la Foi

Editions Parole et Silence et Université Catholique de Lille

En savoir plus
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